Carl Justav Jung: Vie et Oeuvre de Carl Gustav Jung (French Edition)

Zarathoustra... Zarathoustra était morbide, j'en étais certain. Mon côté numéro 2 l'était-il aussi ? Je m'aperçus que l'on n'aboutit à rien si l'on ne s'entretient pas de ce qui est connu de tous."
    Sa personnalité, enrichie temporairement par sa scission est alors prête à s'harmoniser: la découverte d'un manuel de psychiatrie au moment de ses examens de fins d'études (1900) est une de ces illuminations qui jalonnent sa vie: "En elle seule pouvaient confluer les deux fleuves de mon intérêt et se creuser leur lit en un parcours commun. C'était enfin le lieu où la rencontre de la nature et de l'esprit devenait réalité."
    La découverte de son moi lui prendra encore quelque vingt ans et se fera en deux étapes: le moi extérieur, celui de l'homme engagé dans le monde, et après le clivage décisif de 1913 (rupture avec Freud) son moi intérieur dans une descente aux profondeurs de l'inconscient, rendue nécessaire par la dispersion active de la période 1900-1913. Activité proprement psychiatrique d'abord, à l'hôpital de Bâle où il gravit avec ténacité tous les échelons en homme avide d'autre chose, mais jamais pressé: "Au Burghözli tout n'était que surface qui ne couvrait rien, commencement sans continuation, contingences sans relations. Insuffisances qui prétendaient être problèmes, horizons d'une tristesse oppressante, immense désert de la routine".
    De second assistant il passe en 1902 premier assistant, médecin volontaire en 1903, chef du laboratoire de psychopathologie en 1904 (étude des associations), médecin-chef de clinique en 1905, pour abandonner finalement l'hôpital en 1909 quand il s'installe à Küsnacht.
    C'est qu'entre-temps sa clientèle privée s'était considérablement développée après un "miracle" qu'il avait fait en 1903: une infirme s'était remise à marcher après une hypnose. Nommé en outre Privat-docent, il lui fallait depuis 1905 enseigner à la Faculté de Médecine de Zurich (Cours de Psychopathologie, Fondements de la psychanalyse freudienne et Psychologie des primitifs). Sa vie personnelle n'avait pas été sacrifiée pour autant: en 1903 il épousait Emma Rauschenbach, six ans après "l'illumination" qu'il avait eue en la rencontrant pour la première fois, et en 1904 sa mère et sa soeur restées jusque-là à Bâle, viennent le rejoindre à Zurich.
    Parallèlement à cette première expérience des malades, c'est au contact de certains Maîtres qu'il se familiarise avec les maladies: Eugen Bleuler, qui n'était pas étranger à sa décision de venir au Burghözli, Pierre Janet, dont la "théorie physiologique" l'impressionna fort lors du semestre d'hiver 1902-1903 qu'il passa à la Salpétrière de Paris -- et enfin, Sigmund Freud.
    Dès 1900 Jung avait dû faire, pour Bleuler, un compte-rendu détaillé de La Science des rêves du Maître viennois. Il découvrit en 1903 la concordance des thèses de Freud avec ses propres résultats sur les associations d'idées. Mais il lui fallut attendre 1907 pour le rencontrer personnellement. Treize heures de conversation d'affilée prouvent à Jung qu'il était dans le vrai en déclarant au Congrès de Munich (1906): "si ce que dit Freud est la vérité, j'en suis. Je me moque d'une carrière dans laquelle la vérité serait tue et la recherche mutilée."
    Il lui faudra maintenant combattre partout où il ira: 1908: Congrès de Salzbourg aux côtés de Freud et Adler. 1909: rédacteur du Journal de psychologie et psychopatologie dirigé par "Bleuler et Freud. Même année, voyage aux USA: Clark University dont il est fait, en même temps que Freud, doctor honoris causa. 1911: cofondateur et président de la Société internationale de psychologie.
    Freud aurait été ensuite déçu par celui en qui il se plaisait à voir son héritier direct. Il semble que ce soit Jung qui ait été, le premier, désappointé. Lors des entrevues qu'il eût avec son "père adoptif", à Vienne en 1909 et 1910, durant lesquelles Freud soutenait que la sexualité est un "bastion à défendre contre l'occultisme", soit: la philosophie, la religion et la parapsychologie naissante... Il fut surpris aussi par deux syncopes de ce dernier consécutives à leurs premières mésententes.
    Malentendus avivés, et en partie compensés, par la compréhension que Jung trouve en Théodore Flournoy (très influencé par le pragmatisme de William Jammes) et la largesse de vues qu'il sent en Friedrich Creuzer à la lecture de Symbolique et