Carl Justav Jung: Vie et Oeuvre de Carl Gustav Jung (French Edition)

mythologie des peuples (1909-1910). Sous l'influence de ces nouveaux maîtres à penser il écrira dès 1912 Métamorphoses et symboles de la libido . Le contenu de cet ouvrage ne correspond plus aux recherches du "brillant second" qui avait publié les Études diagnostiques sur les associations (1903), la Psychologie de la démence précoce (1907) ou le Contenu des psychoses (1908).
    Le chapitre sur l'inceste n'aurait pourtant pas été de nature à créer une "querelle d'école" s'il ne s'était greffé une "querelle de personnalités". Tant il est vrai que la rupture avec Freud, consommée au Congrès de Munich de 1913, sera faite de la part de Jung en fonction d'un refus plus que d'un savoir: il ne sait pas où vont l'entraîner les phantasmes qui commencent à l'assaillir.
    Le désarroi qui s'en suivit fut tel que Jung doit abandonner ses cours à la Faculté de Médecine. Sa famille et ses malades privés seront désormais le seul lien qui le rattache à ce monde extérieur en disharmonie complète avec son monde intérieur, et le retient, non plus au seuil de la névrose enfantine mais de la véritable psychose qui guette l'homme mûr. Il a trente-huit ans.
    Jung côtoie cette psychose pendant cinq ans, tout en sachant que le remède se trouve dans le mal lui-même. Si l'on veut, comprendre ce que fut cette "confrontation avec l'inconscient" dont le drame ressemble à la lutte de Jacob avec l'ange, il faut pouvoir écouter ses "dialogues avec Philémon... ce non-moi en moi grâce auquel la différenciation entre moi et l'objet de ma pensée se clarifia", il faut savoir entendre la voix de cette "anima" qui parle en lui un langage qui n'est pas le sien.
    Aucun démon, aucun rêve, aucun jeu n'est éludé pendant cette période de descente au centre de lui-même (1913-1918). Après le déjeuner, pour retrouver la disponibilité de l'enfant, il se laisse aller à construire un village couronné par une église; la nuit, ce sont des visions de raz-de-marée-de-sang, de terre pétrifiée par le gel, qui l'assaillent, prémonitions de la guerre imminente. Ce travail sur soi -- douloureux autant qu'exemplaire -- est consigné dans le livre noir puis dans le livre rouge où, jusqu'en 1930, les phantasmes s'orneront de dessins symboliques.
    Lorsque la guerre éclate, le conférencier (Congrès d'Aberdeen en Ecosse et au Bedford Collège de Londres) regagne son pays pour prendre rang de Capitaine de l'Armée suisse et, en 1918-1919, Commandant de la Région anglaise des internés de guerre à Chateau-d'Oex.
    A la fin de la première guerre mondiale Jung est en possession des "mandalas", cette expression du Soi terme du processus d'individuation; il a réuni tous les éléments pour la préparation des Types psychologiques à paraître en 1921, et il a écrit les Sept Sermons aux morts en 1916, "prélude de ce que j'avais à communiquer au monde sur l'inconscient".
    Avec une continuité remarquable, ce détour par l'inconscient fit porter leurs fruits aux éléments très sains que Jung, comme par prescience, avait accumulés entre 1900 et 1913; et il pourra maintenant éclairer d'une manière positive toute "l'après-midi" du chercheur: "les années durant lesquelles j'étais à l'écoute des images intérieures constituèrent l'époque la plus importante de ma vie au cours de laquelle toutes les choses essentielles se décidèrent. Car c'est là que celles-ci prirent leur essor et les détails qui suivirent ne furent que des compléments, des illustrations et des éclaircissements."
    Cependant, avant de faire de son "voyage intérieur", une oeuvre assimilable par tous, il lui faut encore devenir explorateur du monde, explorateur du temps, pour acquérir références et connaissances objectives (1920-1940). L'explorateur du monde: 1920 le trouve en Afrique du Nord; 1924-25 chez les Indiens Pueblos (bâtisseurs de villes) du Nouveau Mexique; l'automne 1925 chez les Nègres du Mont-Elgon au Kenya. Si l'on y ajoute la rencontre de Richard Wilhelm (1920) qui lui ouvrira les portes des vieilles-civilisations d'Asie, c'est un véritable tour du monde que Carl Gustav Jung effectuera autour de la quarantaine -- en comptant le voyage en Inde (1938), sur invitation du gouvernement anglais pour le vingt-cinquième jubilé de l'Université de Calcutta.
    "L'enfant" en lui s'émerveillera des beautés de la nature, qui vont d'un infini vers un autre infini. Mais "l'homme" n'oubliera jamais qu'il est venu si loin, non par souci de