Cathares
jouer sur la même partition qu’elle.
— Vous voulez boire quelque chose ?
Elle lui demanda un pastis, ce qui lui fit penser que, malgré le décor rutilant, elle n’avait pas perdu ses bonnes vieilles habitudes du bar-tabac d’Ussat-les-Bains. Quand le serveur aux yeux verts vint leur apporter leurs deux pastis, Le Bihan lui avait déjà posé la question qui l’avait mené jusqu’à elle.
— Bredouille ! s’exclama-t-elle en mélangeant un peu d’eau à sa liqueur anisée. Ou chou blanc ! Comme vous préférez... Encore si le voyage valait le coup, mais franchement, passer deux jours dans une ville bombardée, j’ai déjà connu plus agréable.
— Il n’y avait rien sous la statue ? demanda Le Bihan. J’ai pourtant lu dans le journal que vous aviez brisé une dalle.
Betty éclata de rire en jetant la tête en arrière puis en faisant ondoyer sa chevelure. Le geste était surjoué, mais il ne détonait pas dans le décor que l’actrice s’était choisi.
— Je ne suis pas archéologue, s’exclamait-elle. J’ai voulu faire vite et j’ai brisé ce petit morceau de dalle pour rien. Je vous l’ai dit : il n’y avait rien sous terre ! Et vous, vous avez été plus chanceux ?
— Je possède trois documents.
— Bien joué, monsieur le professeur ! dit-elle en tendant son verre. Cela mérite un toast. Allez, à nos amis terribles, le pauvre Otto et le beau Richard !
Le Bihan la détailla comme si elle avait été un document rare qu’il lui fallait déchiffrer. L’étonnant mélange de bravade et de fausse décontraction ne lassait pas de l’étonner.
— Que m’avez-vous caché à propos de Richard ? lui demanda-t-il en essayant de ramener la conversation à un registre plus sérieux.
— Je vais vous montrer quelque chose. Suivez-moi !
Elle se leva, adressa un sourire complice aux yeux verts du serveur et invita Le Bihan à la suivre dans le lobby de l’hôtel. Dès qu’ils furent dans l’ascenseur, il sentit que la jambe de Betty se rapprochait de la sienne. Il se demanda comment un simple petit pastis pouvait provoquer une pareille euphorie. La blonde tourna la clé dans la serrure, ils entrèrent dans la chambre, mais Le Bihan n’eut pas vraiment le temps de détailler les lieux. Plus précisément, ce fut le lit dont il entreprit aussitôt l’exploration en compagnie de son hôte. Attendait-elle ce moment depuis leur première rencontre ? Ou cherchait-elle seulement à satisfaire une pulsion immédiate due aux effluves d’anis et au décor suggestif d’une piscine d’hôtel sur la Riviera ? Pendant que leurs deux corps se dénudaient en se rapprochant puis en se distanciant pour mieux se retrouver, Le Bihan songea qu’il allait être le spectateur privilégié d’une scène passionnée jouée par Miss Betty. Et cette perspective inattendue était loin d’être désagréable. Ses doigts coururent sur son dos. Son souffle réchauffa sa nuque de la naissance de son cou jusqu’à l’arrière de ses oreilles. Son sexe durcit en frôlant sa cuisse. Leurs lèvres se rapprochèrent avant de se mêler. Bientôt, leurs corps entrèrent en fusion.
Après l’amour, l’historien ne se sentait pas l’envie d’engager la conversation, préférant se repasser dans son esprit quelques extraits de l’excellent moment qu’il venait de vivre avec elle. Betty le regarda afin de jauger sa satisfaction qui devait équivaloir pour elle aux applaudissements d’une salle après une représentation. Ce fut elle qui aborda à nouveau le sujet qui les avait amenés à se retrouver nus dans un lit dans un hôtel chic de Nice.
— Ce Richard, c’était vraiment un sale type.
Ayant lancé ce jugement définitif, elle patienta quelques instants avant d’étayer l’accusation qu’elle venait de lancer.
— Il a commencé par jouer avec les sentiments et la confiance de Rahn. Longtemps j’ai cru qu’il avait été honnête avec lui, au moins dans un premier temps, mais aujourd’hui, je ne me fais plus aucune illusion. Il continuait à se faire passer pour un ami proche et fidèle, mais il avait déjà commencé à le trahir. Il a joué sur les deux tableaux. Ça, y a pas à dire, c’était sa grande spécialité !
Le Bihan se demanda de quels tableaux elle parlait et elle lui apporta sa réponse sans qu’il doive poser la question.
— Une partie de la hiérarchie des Boches ne voulait pas que Rahn parvienne à des résultats. Ils préféraient le voir
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