Cathares
En poursuivant sa lecture, Le Bihan apprit que les bâtisseurs de la cathédrale avaient à coeur de prouver l’importance de l’Église de Rome après l’hérésie cathare. Bien sûr, l’intuition de Le Bihan ne reposait sur rien de très scientifique, mais il avait envie d’écouter cette petite voix intérieure qui lui disait d’aller tenter sa chance. En refermant le livre, il se dit qu’à la place de Fritz-Koenig, lui aussi aurait choisi la cathédrale d’Albi pour dissimuler son trésor.
65
Le Bon Homme entra dans la cellule du Parfait. Il le trouva occupé à classer les fiches d’identification des membres de l’Ordre.
— En clôturant le dossier de Philippa, nous arrivons à quatre-vingt-deux membres.
Il rangea la fiche qu’il venait de compléter en la glissant dans le casier.
— Pour chacun d’entre eux, ajouta-t-il, nous possédons tous les renseignements nécessaires : date de naissance, état civil, description physique, tares, maladies, profil mental, origines raciales et surtout liste des activités pendant la guerre.
Il contempla le fichier comme s’il s’agissait de son oeuvre maîtresse. Il se tourna vers son compère et ajouta :
— Voici la clé de voûte de notre Ordre, Bon Homme, les troupes qui vont bientôt nous permettre de remporter une grande victoire. Nous allons les porter à Montségur. Je pense qu’il vaut mieux ne rien laisser ici.
Le Bon Homme crispa les poings.
— Il faut agir et ne plus attendre, s’exclama-t-il. Nous avons les armes et les hommes. Reprenons les méthodes des partisans et appliquons-les à nos ennemis. Il faut semer la peur en s’attaquant à des cibles symboliques.
— Ne sois pas impatient ! lui dit le Parfait.
— Je ne suis pas impatient, je suis réaliste. Ils ont voulu tirer un trait sur toute l’oeuvre que nous avons accomplie, mais ils n’ont pas réussi à éteindre la flamme qui brûle en nous !
Cette fois, le Parfait éleva la voix :
— Tais-toi ! N’oublie pas que tu me dois obéissance et que tu as prêté serment d’allégeance à l’Ordre. Notre plan se déroule conformément à nos prévisions. La guerre de reconquête pourra être lancée lorsque nous serons en possession du Graal de Rahn.
— À ce propos, j’ai eu des nouvelles du dernier voyage du Normand.
— Ah ! Mais que ne me le disais-tu plus tôt ? Comment cela s’est-il passé ?
Le Bon Homme parut gêné de lui répondre.
— En vérité, pas très bien. Il a bien retrouvé Betty et ils ont même... euh... célébré leurs retrouvailles de manière charnelle. Enfin, c’est ce que m’a rapporté un de nos frères niçois.
— Tiens, tiens, réfléchit le Parfait. Je ne l’aurais pas cru attiré par ce genre de femme. Je l’ai toujours trouvée trop vulgaire, trop commune. Mais bon, un moment d’égarement est toujours possible. Quant au quatrième document, où en sommes-nous ?
— Betty ne l’avait pas. Il est rentré bredouille.
— Tu penses qu’il est sur une piste ? Le connaissant, je serais très étonné du contraire.
Cinq tintements de cloche annoncèrent l’heure de la messe.
— Tu as vu ? s’exclama-t-il de bonne humeur. Même Dieu est avec nous. Il nous rappelle que nous sommes ici pour le servir. Ne perds pas Le Bihan de vue, ne serait-ce qu’une minute. Et surtout, ne prends pas d’initiative inconsidérée. Tu n’es plus à Varsovie, ici !
Le Bon Homme s’inclina pour témoigner de son obéissance.
— Une dernière chose, ajouta le Parfait. Ces malheureux contretemps ne doivent pas retarder les préparatifs. Je veux que la renaissance de Montségur soit à la hauteur de sa glorieuse histoire. Et rien ne nous empêchera de réaliser notre rêve.
66
Arrimée au coeur de la ville comme un gigantesque vaisseau de pierres, la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi impressionnait ses visiteurs. La teinte flamboyante des pierres de cette forteresse de la foi la rendait encore plus singulière. Le Bihan pénétra par le côté sud, sous le porche à quatre arcades couronné par des groupes sculptés au quinzième siècle. Il décida alors de jouer une carte qui avait déjà fait ses preuves en se faisant passer pour un historien de l’art mandaté par un grand musée afin d’examiner les sculptures religieuses de l’édifice. Une fois dans la nef, il demanda à voir la statue de Constantin et fut guidé par un jeune curé dont l’histoire de l’art n’était visiblement pas la
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