Cathares
première préoccupation. L’ecclésiastique commença par le mener à la statue de Charlemagne. Très fier d’avoir joué les guides improvisés, le jeune homme déchanta lorsque Le Bihan lui expliqua que Constantin se trouvait bien dans le choeur, mais juste en face. Juchée sur une colonne hexagonale entre un blason et une fleur de lis, la sculpture tenait les promesses de la représentation qu’il en avait vue dans l’ouvrage de l’hôtel.
L’empereur était représenté en armure, à la mode médiévale, rehaussée d’une cape d’hermine ornée de l’aigle impériale à deux têtes. Dans la main droite, il portait l’épée en signe de puissance tandis que, de la gauche, il tenait délicatement un globe rappelant son autorité spirituelle. Le souverain généreusement barbu était coiffé d’une lourde couronne.
Le Bihan était impatient. Il demanda à ce qu’on lui apporte une échelle et son souhait fut aussitôt exaucé. Tout cela était si simple que le jeu en perdait presque un peu de saveur. Trop heureux de pouvoir retourner vaquer à ses occupations, le curé laissa Le Bihan examiner seul la statue et personne ne remarqua qu’il avait entrepris de la dégager de la colonne où elle était fixée. La manoeuvre se révéla moins facile que prévu, mais un petit « clac » bienvenu lui annonça la libération de ce bon Constantin de son socle séculaire. Dans le pilier se trouvait bien le document que Koenig y avait glissé pendant la guerre. Le Bihan aurait volontiers poussé un cri de joie, mais ce n’était ni l’endroit ni le moment.
Une fois le document soigneusement rangé dans son sac avec les trois autres (il ne s’en séparait jamais), il remit la statue à sa place et alla saluer le jeune ecclésiastique en lui promettant qu’il le tiendrait informé de ses recherches. Le Bihan sortit de la cathédrale et fit quelques pas sur le parvis. La journée était belle et, en ce samedi matin, les premiers promeneurs avaient investi le coeur de la ville. L’historien décida de profiter un peu de la vue sur cette superbe cathédrale et alla s’attabler à une terrasse. Il commanda une tartine et un café. Il avait très envie de sortir les quatre documents des Cathares pour commencer à les déchiffrer, mais il s’abstint et se dit qu’il valait mieux être prudent. De fil en aiguille, ses pensées le menèrent au message qui avait été lancé dans sa chambre :
« Karl von Graf n’est pas mort. »
Devait-il en déduire qu’un dangereux ex-officier de la SS courait dans la nature ? Poursuivait-il le même but que lui ? Il chassa ces idées sombres de son esprit et respira profondément. De toute façon, il avait déjà gagné. Là où Rahn, Koenig et Betty avaient échoué, il avait remporté la partie. Il était le premier homme à être en possession du trésor oublié des Cathares de Montségur, perdu pour les hommes depuis sept siècles ! La serveuse lui apportait son café quand une silhouette passait un peu plus loin dans la rue. Une jeune femme brune qui marchait d’un bon pas. Le Bihan sourit en se disant qu’il devait commencer à se sentir mieux pour retrouver le goût d’observer les jolies filles aux terrasses des cafés. Tel aurait en tout cas été le diagnostic de Joyeux.
Mireille...
En un instant, il en fut convaincu. C’est Mireille qu’il venait d’apercevoir. Et celle-ci marchait avec un homme qui lui tenait la main. Le Bihan jeta deux pièces sur la table et s’élança dans la rue Saint-Clair. Il courut, mais il n’y avait pas de Mireille dans les parages. Il revint sur ses pas, observa les entrées des maisons et l’intérieur des boutiques sans succès. D’une certaine manière, il était rassuré. Mireille allait bien puisqu’elle se promenait un samedi matin dans les rues d’Albi. Mais qui était cet homme avec elle ? Et pouvait-il jurer qu’elle ne l’avait pas vu ? Une terrible question succéda immédiatement aux autres. Et si elle l’avait volontairement évité ?
Tandis qu’il retournait à Saint-Paul-de-Jarrat, Le Bihan décida de faire un crochet dans le seul endroit où il pensait pouvoir obtenir des renseignements sur une brebis égarée qui hantait la région. Il engagea sa voiture dans la longue allée qui menait à l’abbaye de Fontchaude et la gara au même endroit que l’autre jour. Cette fois, ce fut l’inflexible père Christian en personne qui assura le comité d’accueil. À en juger par sa démarche et
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