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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Véronique Robert
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l’arrêt brutal et
nous nous retrouvions en rase campagne, contraints de ramper vers des ponts où
nous nous affalions pour dormir un peu avant de nous embarquer dans un nouveau
wagon qui venait à passer.
    Ainsi, hagards et par petits bouts, nous avons traversé une
Allemagne en ruine.
    Plus une seule maison n’était encore debout. Parfois on en
avait l’impression, mais c’était juste la façade qui subsistait :
derrière, il n’y avait rien.
    Dans les trains, les Allemands avec nous chantaient comme
dans un opéra funèbre.
    On était entouré de flammes et de cendres.
    Bébert a vécu avec nous ce morceau d’histoire, totalement
immobile dans sa gibecière, ne réclamant ni à manger ni à boire, comme absent à
lui-même et en prise directe avec l’atrocité du monde.
    Et puis, un jour, on a croisé un convoi de la Croix-Rouge
qui ramenait des Suédois chez eux. Avec Bébert, je suis tombée sur la voie
ferrée, le train s’est alors arrêté, on a bien voulu nous prendre à bord et on
nous a conduits jusqu’à Copenhague.
    Notre première impression a été d’arriver dans un pays de
cocagne, gorgé de victuailles. La ville croulait sous les œufs, le beurre, le
lait, les fromages.
    J’ai commencé à rire nerveusement ; je ne pouvais plus
m’arrêter.

 
CHAPITRE VII.
     
    EN BATEAU POUR NEWHAVEN. AU DANEMARK LA PRISON

 
    A Lucette et à moi nous est souvent venue l’envie de
voyager.
    Et si nous allions en Angleterre ? C’est doux et
acide à la fois l’Angleterre. Dieppe-Newhaven, tous les jours un bateau part et
revient. Le lendemain nous sommes sur le quai. Il pleut. « C’est envoûtant
de mélancolie », me dit Lucette.
    Les vagues en colère n’en finissent pas d’éclater et un
animateur à l’entrain si triste nous annonce un spectacle international :
« Cabaret. » C’est tellement raté que ça en devient extraordinaire.
Personne ne regarde, les gens semblent morts.
    Quelques heures plus tard, nous regagnons la terre et
courons nous réfugier dans un pub. Là, nous baignons dans la fumée et la langue
anglaise. Nous infusons comme du thé.
    A la nuit tombée, nous rentrons à Dieppe, en silence et
toutes poisseuses d’une vision de fin du monde que nous garderons en
nous pour toujours, comme une caresse noire et froide.

 
    Louis et moi sommes arrivés à Copenhague le 27 mars 1945. Le
Danemark est le pays le plus triste au monde et habité par des cochons
hypocrites.
    Mon rêve était l’Espagne. Je portais en moi, sans y être
jamais allée, sa culture, ses danses et ses castagnettes, sa beauté. Je n’irai
jamais et aujourd’hui encore je le regrette.
    Nous nous sommes installés chez l’amie de Louis, la danseuse
Karen Marie Jensen, dans un petit appartement sous les toits qui donnait sur
les canaux.
    Là, Louis s’est remis à écrire et moi à danser. Je donnais
des cours à la nièce de Gœring qui était mariée avec le fils d’un rabbin.
    Nous avions adopté une nouvelle identité, Louis Courtial et
Lucie Jensen.
    Un soir du 17 décembre 1945, des policiers en civil sont
venus nous arrêter. J’ai raconté maintes fois comment, affolés, nous avons
tenté de fuir par les toits avec Bébert. Nous pensions que des communistes
étaient venus pour nous assassiner, Louis avait même un pistolet pour se
défendre et du cyanure pour se tuer. Après avoir trouvé les canules et les
poires à lavement que Céline utilisait pour soigner ses amibes, la police,
soupçonnant une affaire d’avortement, nous a emmenés en prison. Etrangère, j’ai
été prise pour une espionne et gardée dix jours dans la même cellule qu’une
criminelle qui avait tué son mari et caché son argent.
    Quotidiennement, on me faisait des piqûres pour soigner une
éventuelle tuberculose. J’ai tout de suite cru que Louis était mort. Ce n’est
que plus tard que je l’ai su vivant, grâce à une infirmière qui parlait
français et travaillait en même temps chez les hommes. Je me souviens que le
fiancé de cette femme était parti en Russie pour combattre le communisme, dans
la division Charlemagne. Il avait été tué avec les autres, enfermé dans un sac
à pommes de terre, debout jusqu’à ce qu’il tombe et se fracasse le crâne.
    Le 28 décembre, j’étais libérée, mais il m’a fallu attendre
six mois pour pouvoir correspondre avec Louis. Entre-temps, j’ai fait trois
tentatives de suicide. Je ne l’ai jamais dit à Céline, mais j’étais seule,
absolument seule

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