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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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surchargés, comme nous le sommes tous ; mais peut-être aussi parce qu'ils ne mesurent pas l'importance que le triangle Paris-Ottawa-Québec revêt dans l'esprit du Général, alors que nous trois la connaissons bien.
    Lesage, en aparté, me donne l'impression d'être en arrière de la main. Certes, il a fait les premiers pas dès 1960 en dépêchant, à sa prise de fonction, un de ses ministres à Paris pour permettre l'ouverture d'une délégation générale du Québec. Mais il n'entend pas qu'on le prenne pour un indépendantiste. Il me précise qu'il l'a dit carrément au Général 3 . Celui-ci, provocateur à son habitude, lui avait assené : « Tout ça finira par l'indépendance, sous une forme ou sous une autre. » Il lui a répondu nettement : « Il n'en est pas question. »
    Pompidou, auquel je raconte ce dîner le lendemain matin, me confirme : « Il faut se méfier ! Le Général se laisse emballer. Lesage m'a dit catégoriquement qu'il était fédéraliste. S'il souhaite ouvrir les fenêtres sur la France et sur le monde, c'est pour calmer le prurit séparatiste. »
    Le Premier ministre me met en garde contre l'activisme de Xavier Deniau, qui a créé un comité France-Québec à l'Assemblée nationale dans un esprit indépendantiste, et contre Philippe Rossillon 4 , qui mène une action clandestine.

    Gérin-Lajoie : « On veut se distinguer des " maudits Français " »
    Paris, mardi 2 mars 1965.
    Paul Gérin-Lajoie, ministre de l'Éducation du Québec, me rend visite. Il est tout heureux d'avoir pu signer un accord avec Christian Fouchet pour une coopération franco-québécoise en matière d'enseignement.
    Jusqu'au bout, il s'est demandé si cette convention pourrait aboutir. Le gouvernement fédéral « faisait des pieds et des mains » pour qu'elle prenne la forme d'un simple procès-verbal de réunion de fonctionnaires. Pas question d'accepter un « accord » au sens du droit international public : ce serait permettre à une province d'usurper une prérogative du Fédéral.
    Ottawa a fini par s'incliner. Le Québec a eu l'idée de faire précéder le protocole d'un préambule dans lequel figurait le général de Gaulle : personne n'oserait plus l'en sortir. Ainsi fut fait. Le préambule se réfère à « l'entretien entre M. le Président de la République française et M. le Premier ministre du Québec, le 12 novembre 1964, à Paris ». Le système d'échanges qu'organise ce texte est sacralisé par cette invocation. Ottawa a dû se contenter de préciser qu'il s'agissait d'une « entente », terme qui n'avait pas la portée d'un « accord ».
    Naturellement, j'ai fait accueillir Gérin-Lajoie dans la cour du ministère par mon chef de cabinet ; et je suis allé à ses devants. Gérin-Lajoie me raconte : « Tous les ministres français ne se conduisent pas aussi chaleureusement que vous. J'ai rendu visite à votre collègue de la Coopération. L'huissier m'a demandé de remplir une fiche. Je lui ai dit que j'étais le ministre de l'Éducation du Québec et que j'avais rendez-vous avec le ministre. Il m'a répété, agacé : "Remplissez la fiche." J'ai obéi. Après un long moment, j'ai fini par être introduit chez le ministre, qui m'a reçu plus que fraîchement : "Les Canadiens français se comportent en Afrique francophone comme des phacochères dans un magasin de porcelaine. Ils n'ont pas compris qu'il vaut mieux passer par le réseau de conseillers français, qui dépendent de moi. Ils parlent joual et dégradent le français des Africains. Pourquoi ne les envoyez-vous pas en Afrique anglophone ? " »
    J'ai peine à croire qu'un ministre français puisse tenir de pareils propos. Mais il est vrai que tous les membres du gouvernement ne ressentent pas l'attraction singulière du Général pour les Canadiens français.
    Gérin-Lajoie me raconte la conversation qu'il vient d'avoir avec le Général : « Je lui ai parlé du mouvement d'intellectuels qui pousse à favoriser le joual au détriment du français. Un chanteurcomme Robert Charlebois, un auteur dramatique comme Michel Tremblay, aiment écrire dans ce dialecte, ce qui leur vaut des succès populaires. On veut aller au peuple, en parlant comme le petit peuple. On veut se distinguer des "maudits Français ", qui ont des manières parisiennes et qui parlent pointu. Selon ce que nous appelons " la gau-gauche ", il ne faut pas élever les enfants au-dessus de la condition de leurs parents, ce qui traumatise les parents, déracine les enfants

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