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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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et creuse un fossé infranchissable. Votre Général avait l'air interloqué.
    AP. — J'imagine ! Alors, il faudrait se mettre au joual et rejeter le français ?
    Gérin-Lajoie. — Il y a des associations qui militent pour introduire le joual à tous les degrés d'enseignement et je me heurte à elles. Je voudrais au contraire expurger l'enseignement des expressions vicieuses et imposer le français standard, que nous appelons aussi, pour éviter le reproche de parisianisme, le français correct d'ici. »
    Gérin-Lajoie m'explique qu'il doit procéder à l'aggiornamento de l'enseignement, en veillant à ce que les manuels soient écrits en « français standard ». Il a besoin dans son combat d'un renfort d'enseignants français.

    « Ce sont les retrouvailles d'un morceau du peuple français et de la France »
    Conseil du 3 mars 1965.
    Couve : « Depuis six mois, nous étions en discussion avec les autorités québécoises pour un accord culturel. C'est chose faite. Donc, les relations officielles entre la France et le Québec se développent. Une commission permanente franco-québécoise va être chargée de les promouvoir.
    GdG. — J'ai vu Gérin-Lajoie hier. Cette "entente", comme ils disent, est importante en soi, pour notre coopération et pour l'avenir international du Québec. C'est la première fois que le Québec signe un accord avec un autre État. Ce sont les retrouvailles d'un morceau du peuple français et de la France.
    « Gérin-Lajoie a insisté auprès de moi pour que nous leur envoyions des puéricultrices, des jardinières d'enfants, des instituteurs : " Vous avez les meilleures écoles maternelles du monde. Or, au Québec, les gens qui ont fait des études supérieures parlent en bon français ; mais les gens du peuple ont de plus en plus tendance à parler joual — c'est ainsi qu'ils prononcent cheval — et ils se coupent du français international. C'est dès les premières années qu'il faut apprendre le bon français aux Québécois." Il compte donc sur nous. »

    « Allez-y mollo »
    Salon doré, après le Conseil.
    AP : « À propos de l'accord avec le Québec, quel commentaire souhaitez-vous que je fasse ?
    GdG. — Dites que le Conseil a été heureux de ratifier cette entente. Elle organise les liens qui ont commencé à exister entre le Québec et la France. Il ne faut pas forcer trop, les fédéraux d'Ottawa sont nerveux. Nous irons pas à pas. Allez-y mollo.
    « Mais dites-vous bien ceci : une minorité ne peut à la longue sauvegarder sa personnalité que si elle est majoritaire sur un sol (il m'avait tenu exactement le même propos quand il m'avait incité à écrire sur la partition de l'Algérie).
    « Les Québécois ont la chance miraculeuse d'être majoritaires à 80 % en face des Anglais sur le territoire du Québec. Ce sont eux qui peuvent imposer leur volonté sur le territoire. Pour rester eux-mêmes. Pour se perpétuer. Pour éviter de se confondre. Pour ne pas se faire submerger.
    « C'est curieux, ce que m'a dit Gérin-Lajoie. Il y a un double mouvement dans le peuple québécois. Après s'être multipliés par cent en deux siècles — ils sont passés de soixante mille à six millions — ils connaissent un réveil digne d'admiration ; mais en même temps, la langue des Québécois peu instruits se dégrade. S'ils ne se remettent pas dans le courant du français universel, ils vont se créoliser.
    Jamais, ni en public, ni même avec ses interlocuteurs québécois, le Général ne fera allusion à cette face du problème : il sent d'instinct ce que cela aurait de vexant pour le peuple québécois. Paraître donner des leçons de bon français provoquerait à coup sûr une violente réaction d'amour-propre blessé, mais je suis sûr, parce qu'il en a parlé à plusieurs reprises en petit comité, qu'il s'en soucie.

    « Les malheureux Canadiens français qui sont dispersés dans les autres provinces sont partout minoritaires, et le plus souvent en toute petite minorité. Dans une ou deux générations, ils auront disparu. C'est pourquoi le Quai d'Orsay est aveugle en voulant jouer le Canada plutôt que le Québec. Les provinces à dominante anglaise, c'est-à-dire 9 sur 10, sont destinées à devenir totalement anglaises. Le Canada à dominante française, c'est-à-dire le Québec, a seul une chance de rester français. Il peut alors devenir un pôle de ralliement pour les Français dispersés à travers l'immensité du territoire canadien. Il sera leur patrie

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