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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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plaisir à voir.
    Le protocole de la visite, dont a été chargé André Bettencourt, a été organisé en fait par Rossillon. Le tapis rouge est déroulé.

    Samedi 20 janvier 1968.
    Les quatre Acadiens sont accueillis à l'Élysée par un piquet d'honneur de la Garde républicaine, après avoir été conduits à l'Arc de triomphe pour déposer une couronne sur la tombe du Soldat inconnu.
    Avant d'entrer dans le bureau du Général, ils ont eu le temps de me dire qu'ils étaient à la fois heureux et épuisés. Ils ont passé la première semaine à Paris, où ils sont allés de réception en colloque, finissant par être tellement fatigués qu'ils se relayaient pour permettre aux uns de se reposer à l'hôtel pendant que les autres se dévouaient ; puis, pour le week-end, un avion du GLAM les a déposés à Nice et on les a promenés sur la Côte d'Azur et en Provence. La deuxième semaine, Toulouse et Caen. Ils sont fourbus. Je me demande si on n'en a pas fait un peu trop, et si eux-mêmes n'en sont pas aussi gênés que surpris.
    Mais leur émotion éclate quand ils sont introduits auprès du Général. Celui-ci s'enquiert de leur séjour et énumère leurs nombreuses demandes sans aucun papier sous les yeux 6 . Il me demande de veiller à aider cette petite communauté à se maintenir : permettre à son journal Évangéline de survivre, envoyer des professeurs dans l'université de Moncton et ses collèges ; accueillir des étudiants avec des bourses. Mais il se garde bien de les exhorter, comme il l'a fait aux Québécois, à « disposer d'eux-mêmes », à « prendre en main leurs destinées ». Il sait que pour eux, bien qu'ils soient plus dangereusement soumis à la prépondérance étrangère que les Québécois, il n'y a pas d'autre issue que d'essayer de cultiver leur langue.
    Il constate que chacune des requêtes a trouvé sa réponse. Il ajoutera au crédit public ouvert à l' Evangéline une somme de 25 000 dollars qu'il prélèvera sur la cassette de l'Elysée. « Est-ce tout ? » conclut-il. Non : ils osent demander des photos dédicacées. Pourtant, m'expliqueront-ils au café, on les avait prévenus que le Général ne donnait jamais d'autographes.
    En passant du salon à la salle à manger, nous foulons un tapis de Savonnerie à fleurs de lys. Le Général, qui leur avait demandé chemin faisant à quand remontait l'arrivée de leurs ancêtres en Nouvelle-France, s'arrête et leur fait remarquer la date : « Quand ce tapis a été tissé, vos ancêtres étaient encore en France. » L'émotion est si forte, que l'un des mousquetaires ne peut réprimer un sanglot.

    « Vous sentez le vieux pays en vous »
    Le Général reprend : « Votre démarche montre que vous avez toujours la même affection pour notre commune patrie. Vous sentez le vieux pays en vous et la France aujourd'hui vous sent en elle. »
    L'émotion renaît à la fin du déjeuner, quand le Général porte son toast :
    « Après plus de deux siècles et demi où nous fûmes séparés, voici que nous nous retrouvons entre Acadiens et Français de France. Ah, Messieurs, ah, mes amis, quelles épreuves nous avons les uns et les autres subies, pendant tout ce temps-là ! Les Acadiens, longuement persécutés dans cette terre de la Nouvelle-France, où Champlain avait fondé à Port-Royal le premier établissementfrançais du Canada ! Les Acadiens qui, ensuite, en avaient été chassés, mais qui étaient revenus à force de courage et de ténacité ! Les Acadiens qui, grâce à la fécondité miraculeuse et aux sacrifices admirables de leurs mamans françaises, sont aujourd'hui deux cent cinquante mille quand ils étaient deux mille à l'origine ! Tandis que l'incroyable fidélité de leurs pères a fait en sorte que, par la langue, l'esprit, la religion, le caractère, ils sont restés aussi Français que jamais... Nous sommes les uns et les autres, désormais, debout, bien vivants, remplis d'espérance. Nous allons renouer des liens de Français à Français. »

    Hélas ! Les obstacles allaient se multiplier. Une délégation générale de l'Acadie à Paris, calquée sur celle du Québec ? Le gouvernement fédéral n'eut pas de peine, dès le départ du Général, à noyer ce projet : l'Acadie n'était pas une province, comme le Québec ; et le Nouveau-Brunswick ne désirait nullement ouvrir une délégation générale à Paris. Une maison de la culture française à l'université de Moncton ? Les autorités universitaires du

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