Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
la laisser passer.
    « Le gouvernement fédéral, en effet, est seul compétent pour la politique étrangère. C'est à lui que revient exclusivement la responsabilité de signer des traités ou même des accords avec l'étranger et de représenter le Canada. Nous avions accepté en 1965 qu'une entente sur l'éducation et une autre sur la culture soient signées entre des ministres français et québécois, mais seulement parce qu'Ottawa avait donné préalablement son agrément aux projets de ces ententes, parce qu'il les a ensuite ratifiées par un accord cadre, et parce que le mot entente n'a pas de portée juridique.
    « J'avais prévenu mes collègues francophones de Paris que les communications avec les gouvernements provinciaux devaient passer par Ottawa. Peut-être n'avez-vous pas mesuré à quel point une invitation faite à l'étranger à un ministre québécois sans passer par le gouvernement fédéral est en contradiction avec les principes fondamentaux du Canada. »
    Cet homme si policé n'est pas loin de s'emporter. Il se lève, probablement pour se calmer, et marche de long en large dans mon bureau.
    Il va jusqu'à me dire que les tensions entre Paris et Ottawa n'auront qu'un temps. Sous-entendu : le temps où de Gaulle reste au pouvoir...
    Je lui fais observer que les tensions entre Ottawa et Québec sont très antérieures aux tensions entre Ottawa et Paris, les secondes ne faisant que refléter les premières. Il ne nous appartient pas d'ajouter à ces difficultés, mais la « Révolution tranquille » date déjà de huit ans et la France n'y était pour rien : le général de Gaulle s'est contenté de prendre acte du désir d'émancipation des Québécois ; il a estimé ne pas pouvoir s'y dérober.
    L'ambassadeur en vient aux conséquences pratiques : « Le Gabon, en traitant directement avec une province, a fait un geste qui bafoue les règles de la Constitution canadienne comme celles du droit international. Bien sûr, rien n'indique que le gouvernement français ait fait une quelconque pression sur le gouvernement gabonais pour qu'il invite le ministre québécois de l'Éducation. (Un sourire.) Il ne saurait donc s'agir de mettre en cause le maintien des bonnes relations entre la France et le Canada. Il n'en est pas de même avec le Gabon. Nous demanderons que notre ambassadeurau Cameroun, qui devait être accrédité à Libreville, ne présente pas ses lettres de créance.
    « Dans un souci de compromis, mon gouvernement est disposé, pour la conférence de Paris qui va faire suite à celle de Libreville et pour les réunions à venir des ministres francophones de l'Éducation, de confier au ministre québécois de l'Éducation la présidence de la délégation canadienne, qui représenterait l'ensemble du Canada. »
    Je rends compte à Couve, sur l'interministériel, de la démarche de Léger. Il me répond flegmatiquement : « Je crains qu'il n'y ait pas grand-chose à faire, étant donné la position prise par qui vous savez... »

    « Le coup de Libreville » est une grande première. Ottawa, n'osant rompre avec la France, rompt avec le Gabon. Et la contre-attaque du Canada est foudroyante : il envoie une mission pour distribuer 40 millions de dollars aux pays d'Afrique francophone — dont il ne s'était jamais occupé jusque-là...

    « Nous reconnaîtrions immédiatement le Québec comme État souverain »
    Après le Conseil des ministres qui suit la démarche de Jules Léger, je la résume au Général. Celui-ci, serein, me déclare :
    « Ne vous inquiétez pas. Que le Canada suspende ses relations avec le Gabon, ou même qu'il les rompe, n'a aucune importance, ni pour le Gabon, ni pour la France. Les Canadiens menacent le Gabon parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent pas menacer la France. Ils doivent bien deviner que, s'ils rompaient leurs relations avec nous, nous reconnaîtrions immédiatement le Québec comme État souverain. Et ce serait bien le diable si une douzaine d'États africains ne nous suivaient pas.
    « Les Canadiens précipiteraient donc l'accession du Québec à l'indépendance. Ils veulent empêcher le Québec de jouir du prolongement international de ses attributions internes ? Ils ne se rendent pas compte que leur position est anachronique. Le Québec a conquis à Libreville une place que nous n'allons pas lui laisser perdre. Pas question d'adopter pour la conférence de Paris d'autres dispositions que pour celle de Libreville 7 . »
    25 avril 1968.
    Trudeau est

Weitere Kostenlose Bücher