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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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tendance indépendantiste, était d'abord réticent, puis il s'est mis, en fonction de l'opinion, à être tout à fait favorable.
    GdG : « Vous le dites vous-même, ma visite a créé des circonstances favorables, il fallait en profiter. L'opinion varie souvent, dans une démocratie. Les esprits sont volatils, surtout en période de mutation rapide. Un vrai chef aurait aussitôt tiré parti du succès. Johnson n'est pas un chef.
    AP. — La réalité sociologique du Québec est complexe.
    GdG. — Qu'est-ce qu'elle a donc de si complexe ?
    AP. — Il y a 20 % d' anglophones, qui refusent de parler français. Il y a une mince couche d'anciens élèves des universités anglaises ou américaines, comme Trudeau, qui s'expriment parfaitement en français, tout en ayant la mentalité des anglophones. Ce sont les Montréalais britanniques, qui ont joué un rôle prédominant dans la construction du Montréal moderne.
    « Il y a une autre couche diamétralement opposée, comme Jacques-Yvan Morin et Parizeau, qui ont étudié au collège Stanislas de Montréal et dans les universités françaises. Ils méritent pleinement l'appellation dont vous usez de "Français du Canada", bien qu'ils soient parfaitement bilingues.
    « Enfin, il y a la masse québécoise, qui reste fidèle au français et rebelle à l'anglais. Elle est souvent peu instruite ; elle baragouine l'anglais et parle français à sa façon. Ceux-là ne se ressentent pas eux-mêmes comme Français.
    GdG. — Ce sont ceux-là qui disent : " les maudits Français " ?
    AP. — Il me semble que l'état d'esprit des Québécois à l'égard des Français est ambivalent. Ils s'irritent souvent de notre air de supériorité, de notre comportement arrogant. Mais cette expression de " maudits Français " commence à devenir une simple plaisanterie.

    « Johnson perd un temps précieux »
    GdG. — La démocratie a ses avantages et ses inconvénients. Les politiciens québécois ont peur d'être en avance sur le sentiment populaire, alors que leur devoir est de lui montrer le chemin. Ils restent craintifs. Votre Johnson n'est pas plus audacieux que Lesage.
    (Il disait "Mon ami Johnson" quand il était satisfait de le voir participer à la grande communion patriotique. Il dit " Votre Johnson" quand il le trouve timoré.)
    AP. — Les Québécois sont moins craintifs depuis votre passage. Vous leur avez donné foi en eux-mêmes. Ils commencent à comprendre qu'ils sont en train de devenir un peuple comme les autres, capable de se doter d'un État souverain, alors que seuls, jusque-là, quelques téméraires osaient l'imaginer.
    GdG. — Il y a des circonstances où l'histoire devient fluide. J' ai contribué à créer ces circonstances. Dans la foulée du réveil québécois et du choc psychologique de mon voyage, il fallait aller vite. Johnson perd un temps précieux. Il n'a pas compris que ce sont les hommes qui font l'Histoire. Il était en position de faire l'Histoire. Il y renonce. Il fallait donner un coup d'accélérateur. Il donne au contraire un coup de frein. C'est un politicien de province.
    AP. — Le temps donnera sans doute de l'audace à ceux qui ne sont pas encore audacieux.
    GdG (lentement). — La réponse qu'il vous a faite prouve qu'il ne sait pas forcer le destin et qu'il n'est pas un homme d'État. Il suppute les réactions que vont avoir X ou Y. Il n'a pas compris que X et Y se laisseraient bousculer, s'il allait franchement de l'avant en s'appuyant sur le sentiment populaire. C'est un petit bonhomme.
    AP. — Il doit sentir dans l'opinion des courants contradictoires. Tout ça est fragile. Johnson est le reflet de cette fragilité.
    GdG. — Tant qu'ils resteront aussi pusillanimes, ils n'en sortiront pas... Les suites de ma visite sont compromises... Il n'y a pas de plus grand malheur pour un peuple que d'être vaincu. Ce peuple a tellement vécu dans l'écrasement de la défaite pendant deux siècles, qu'il reste toujours aussi craintif. Tant qu'ils n'auront pas complètement relevé la tête, ils s'enliseront dans l'immobilisme. »
    Son énergie a quand même besoin de s'appuyer sur des signes positifs — ou sa combativité, de se mesurer à une lutte qui n'ira pas sans âpreté : « Enfin, c'est déjà quelque chose, qu'il s'intéresse à la conférence des ministres de l'Education francophones. Il faut que le Québec prenne sa place au sein de sa famille naturelle, celle de la communauté des pays de langue française. Cette place, c'est le

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