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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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devenu Premier ministre. Un durcissement s'est aussitôt manifesté; l'un de ses premiers actes a été de demander que le Canada soit invité à la conférence de Paris. Le Quai d'Orsay est tenté de saisir l'occasion du changement de Premier ministre pour faire baisser la tension entre Ottawa et Paris. Il propose d'adresser une invitation au gouvernement fédéral. L'Elysée refuse sèchement. Au Conseil qui suit, le 30 avril, le Général, craignant qu'au dernier moment un délégué canadien ne se présente, me recommande, en tant que président de cette conférence, de ne l'accepter en aucun cas : « N'hésitez pas à faire un incident. Nous n'allons pas plier le genou devant Trudeau, qui est un adversaire acharné de la France, un ennemi de la chose française au Canada. »
    Au moment de prendre congé des ministres, le Général me précise encore, en me serrant la main: « Naturellement, le ministre québécois n'est pas observateur, mais membre à part entière de la conférence des ministres de l'Éducation. »
    Je l'ai assuré qu'il n'y avait aucune ambiguïté. Il n'y en avait pas dans mon esprit, mais un porte-parole du gouvernement, traduisant la position des services tant du Quai d'Orsay que du ministère de la Coopération, désigne malencontreusement Cardinal comme « observateur francophone ». Le Général charge alors Gorse, ministre de l'Information, de faire sèchement une mise au point.

    Début juillet 1968.
    La santé de Daniel Johnson, de plus en plus précaire, l'a amené à reporter sa visite en France d'avril à mai, puis de mai à juillet.
    Elle doit se dérouler autour du 14 juillet. Il sera hébergé au Trianon, où il n'a été précédé que par le prince Philip. Il assistera ensuite au défilé des Champs-Élysées aux côtés du Général ; le drapeau fleurdelisé du Québec sera hissé au niveau des trois couleurs.
    Mais cet accueil royal n'aura pas lieu. Johnson vient de subir une nouvelle attaque cardiaque.
    Depuis, le Québec a suivi son chemin et la France le sien. Ils n'ont pas toujours été parallèles. La résolution québécoise a connu des hauts et des bas. L'appui français ne s'est jamais démenti, mais il n'a jamais non plus retrouvé la capacité d'entraînement que le Général lui avait donnée. Les diplomates ont trouvé des formules de diplomates, que nos Présidents ont avalisées. Avec Giscard, ce fut: « non ingérence mais non indifférence » — une double négation qui faisait enrager Gilles Vigneau ; je le vois étendre ses bras comme un oiseau impuissant à voler : « Ce que nous attendons de vous, c'est que vous soyez positifs; c'est que vous nous aimiez et que vous nousaidiez. » Avec Mitterrand, ce fut : « relations normales avec le Canada, relations spéciales avec le Québec ». Pour être normales avec l'un, elles ne devaient pas être trop spéciales avec l'autre... Je ne crois pas que Gilles Vigneau y ait mieux trouvé son compte de poète et de patriote.
    Pourtant, il reste de la déflagration gaullienne un rayonnement qui ne faiblit pas. Dans l'histoire des Français du Canada, il y a l'avant 1967 et l'après 1967. C'est vrai quant à l'image du Québec au-dehors : grâce à de Gaulle il a obtenu un statut de quasi-État pour ce qui concerne ses relations avec la France et avec tous les pays de la communauté francophone. C'est vrai dans sa conscience de lui-même: le Québec a trouvé la force d'imposer par une loi interne le français comme unique langue officielle. Cette fameuse « loi 101 8 », garantie essentielle de la pérennité québécoise, son promoteur, le ministre Camille Laurin, m'a dit: « C'est à de Gaulle que nous la devons. S'il n'avait pas fait son esclandre, jamais Ottawa et les Canadiens anglais ne s'y seraient résignés. »
    Le Québec sera-t-il jamais libre, au sens où l'entendait de Gaulle? De Gaulle prophète se sera-t-il trompé? Sa ferveur l'a-t-elle emporté sur son jugement?
    Mais on l'a vu, il avait imaginé aussi que le Québec pourrait ne pas aller jusqu'au bout de son «réveil». Et s'il a fait « comme si» la volonté d'indépendance était à la hauteur des difficultés à surmonter, son réalisme lui a fait envisager l'échec. Il était coutumier de ce double regard, et jusque dans le feu de son engagement le plus intense. Lors du traité franco-allemand, tout en chantant avec Adenauer le duo d'une amitié historique, n'envisageait-il pas froidement un renversement d'alliance si les Allemands ne

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