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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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fait. Et puis, nous avions une législature si tranquille que je pouvais m'occuper d'affaires techniques, au premier rang desquelles l'Éducation. Et je me sentais attiré vers ce domaine.
    « En revanche, maintenant, je ne vais plus pouvoir m'en occuper. Je vais être submergé par les questions politiques. La législature sera délicate à mener et les rapports avec le Parlement dévoreront mon temps. D'autre part, la situation économique et sociale va être difficile et va probablement le devenir de plus en plus. Michel Debré a de grandes qualités de dynamisme et d'énergie. Malheureusement, c'est un impulsif. Il lui a manqué un stage dans les banques. Il se fait avoir régulièrement par ses services.
    « J'ai eu le tort d'accepter, en 1963-1964, que le Général, sous l'influence de Giscard d'Estaing, prenne des positions rigoristes sur le budget et sur l'or. Nous en sommes maintenant prisonniers. Il faudra bien faire machine arrière. Il faudra bien qu'il y ait une impasse. Il faudra bien accepter un peu d'inflation.
    « Donc l'essentiel de ma tâche, ce sera la politique et l'économie. Alors, je vous fais confiance. D'ailleurs, dites-vous bien qu'il n'y a plus de grandes réformes à faire. Il faut simplement digérer celles que nous avons faites. L'Éducation nationale, prenez-la en main. Simplement, tenez-moi au courant de temps à autre, en venant me voir par exemple une fois par mois, davantage si les affaires le demandent.
    AP. — Il ne faudrait pas que je donne l'impression d'être seul, et qu'après avoir consacré beaucoup de temps et beaucoup de force à l'Éducation nationale, vous vous en désintéressiez aujourd'hui. Il faut qu'on ait le sentiment que Matignon et la rue de Grenelle ne font qu'un. Sinon, tout va voler en éclats. »
    Il m'en donne l'assurance. Je crois deviner aussi, bien qu'il ne le dise pas, qu'il ne veut plus s'occuper de l'Éducation nationale parce qu'il se dit que le problème est réglé, puisqu'on a réformé le bachot et la licence.
    J'aborde le sujet dont m'a parlé le Général : l'orientation.

    Pompidou : « Je sais ce qu 'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire avec l'Éducation nationale »
    Pompidou (je le vois se rembrunir) : « Je devine ce qu'il vous a dit. Narbonne l'a convaincu qu'il fallait faire l'orientation et la sélection. C'est sa marotte. L'affaire est délicate. Je suis un libéral. Je n'encasernerai pas la jeunesse française. Les orienteurs, psychologues et sociologues professionnels ne doutent pas de leur science, mais moi j'en doute. L'État intervient déjà dans suffisamment dechoses. L'orientation ne doit pas être du rôle de l'État! Ça doit être le rôle des parents, éclairés et conseillés par des gens compétents, c'est-à-dire les instituteurs et les professeurs de ces enfants. Un point c'est tout. Quant à la planification, on ne peut pas plus faire marcher les enseignants que les enseignés en colonnes par quatre. »
    En somme, comme pour Fouchet, la « fidélité infidèle ».

    À l'opposé, mes conversations avec le secrétaire général Pierre Laurent 5 me montrent que la thèse autoritaire a en lui un partisan résolu, et en relation directe avec l'Élysée. Le goût du Général pour la planification et la discipline est un atout puissant pour imposer cette thèse.
    Je suis frappé de la confiance que, malgré cela, Pompidou semble garder. C'est d'abord une confiance en lui-même; le ballottage y a sûrement joué un rôle. Il sait que le Général, malgré ses idées très arrêtées sur l'orientation et la sélection, s'en remet à lui pour l'application. Pompidou ne doit pas manquer de lui suggérer, sans en avoir l'air, ce qu'il me dit sans ambages : « J' ai enseigné longtemps, je connais les défauts et les qualités des enseignants, je sais ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire avec l'Éducation nationale. Le Général, ce n'est pas son monde, ce n'est pas son affaire. Il le sait bien, d'ailleurs. Il a le complexe du saint-cyrien en face du normalien. Faites-moi confiance. »
    Sous-entendu : « Ne l'écoutez pas, n'écoutez que moi. C'est mon domaine réservé. »
    1 Jean Dours, préfet, directeur du cabinet de Christian Fouchet à l'Éducation nationale.
    2 Pierre Pelletier, déjà directeur de mon cabinet à la Recherche scientifique, a accepté de me suivre dans la même fonction à l'Éducation nationale.
    3 Pierre Aigrain, directeur des enseignements supérieurs depuis 1965.
    4 Décidée en

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