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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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a-t-il parlé de ma lettre d'hier ? » Il n'a pas l'air de comprendre.
    AP : « Vous a-t-il dit que je lui ai offert ma démission ?
    Jobert. — Votre démission ? Mais non, il n'en est pas question ! Il pense que vous allez l'aider à redresser la situation. »
    Je ne peux en rester là.

    Pompidou : « Nous ne sommes pas la république des boucs émissaires »
    Matignon, lundi 13 mai.
    Je lui confirme, par une lettre d'un style plus officiel, mon mot de la veille, et la lui fais porter par mon collaborateur Dorin au moment où il passe à table ; il me convoque pour 15 heures et balaie ma proposition.
    Pompidou : « Il n'en est pas question. Si vous partiez, on dirait que je vous rends responsable de la situation. Nous ne sommes pas la république des boucs émissaires. Tout ça sera retombé dans les quarante-huit heures. Tâchez maintenant de vous raccommoder avec les universitaires, qui vous reprochent l'entrée de la police dans la Sorbonne. »
    Je lui retrace l'histoire d'une « désescalade » sabotée par les leaders gauchistes. Je m'aperçois qu'il ne la connaît pas. Il s'étonne : « Ce n'est pas le Général qui vous a imposé cette décision ? » Je le détrompe.
    AP : « J'ai appris à croire ce que disent ces jeunes révolutionnaires. Vous verrez, dès ce soir, ils vont occuper la Sorbonne à leur façon, celle que nous avons déjà vue à l'oeuvre à Nanterre.
    Pompidou. — De toute façon, nous n'aurions pas pu empêcher que la Sorbonne soit prise d'assaut.
    AP. — Comment a-t-on pu vous dire ça ? La manifestation de Denfert-Rochereau est certes impressionnante, mais elle est bien tenue en main par le service d'ordre de la CGT. Les gauchistes auraient été hors d'état d'entraîner la masse ; et s'ils avaient voulus'en détacher, il y aurait eu peut-être une rude bagarre, comme nous en avons soutenu quatre, le 3, le 6, le 7 et le 10, mais ils n'auraient pas été gagnants.
    Pompidou. — Ils sont 200 000. On ne peut rien contre 200 000 manifestants déchaînés. »
    Je romps. Je préfère lui proposer quelques idées pour mettre l'université au travail sur d'autres bases que l' « université critique ».
    AP : « Je pense à un comité de sages, quelque chose comme la commission Massé pendant la grève des mineurs. On pourrait aussi introduire des représentants étudiants au sein de la commission Capelle ; et créer une structure nationale d'étude de la condition étudiante.
    Pompidou (comme distraitement). — Oui, peut-être, on verra plus tard. »

    Pompidou : « Tout ça sera terminé dans quarante-huit heures »
    Ensuite, je lui énumère, à l'intention des groupuscules étudiants, des mesures de sûreté à prévoir en cas de reprise des violences : état d'urgence, poursuite devant la Cour de sûreté pour atteinte à la sûreté intérieure de l'État, article 16.
    Il se récrie : « Mais vous êtes obsédé par les idées noires ! Penser à l'état d'urgence, à la Cour de sûreté, à l'article 16, à cause de ces gamins, mais c'est démentiel ! On dirait que vous n'avez jamais eu vingt ans ! Reprenez vos esprits ! Tout ça sera terminé dans quarante-huit heures !
    AP (changeant de sujet). — Nous avions prévu pour cette semaine trois jours de débat sur l'Éducation nationale. Êtes-vous toujours d'accord dans le principe ? Puisque demain est réservé à votre déclaration, réduisons-nous les trois jours prévus à deux jours, ou reportons-nous à la semaine prochaine ?
    Pompidou (il a un instant d'hésitation). — Vous croyez que c'est bien le moment ?
    AP. — Oui, plus que jamais. Vous avez repris l'initiative par un geste spectaculaire. Mais l'initiative essentielle du gouvernement, c'est de définir les règles qui permettent de sortir du désordre.
    Pompidou. — Sur le fond, êtes-vous prêt ?
    AP. — Archi-prêt sur les trois grandes réformes que nous avons préparées depuis l'automne et qui n'ont encore fait l'objet d'aucun débat à l'Assemblée. Sur l'orientation dans le secondaire. Sur la rénovation pédagogique, à tous les niveaux d'enseignement. Sur la sélection et l'autonomie des universités. Simplement, sur ce dernier point, vous avez estimé qu'il ne fallait pas une loi mais un décret, et avec ce qui se passe, je ne peux que me rallier à votre décision.(Je le sens réceptif, j'insiste.) Il faut occuper les députés à autre chose qu'à courir les rues. Ma déclaration devra être limée au millimètre ; je la soumettrai évidemment à votre

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