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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Paris tant que je serai là. »
    Fouchet, Grimaud, Jobert le regardent. On sent passer entre eux un accord profond : si cette période ne comporte pas de page sanglante, ce sera largement dû à cette commune résolution.

    Palais-Bourbon, même jour.
    À 15 heures, je me rends devant le groupe gaulliste de l'Assemblée. Contrairement à mon attente, je suis reçu avec chaleur. Les colombes reconnaissent que j'avais été aussi loin que possible dans le sens de la main tendue. Les faucons, stupéfaits de voir quePompidou est allé beaucoup plus loin que moi, se rendent compte que les choses sont moins simples qu'ils ne croyaient.
    Puis je rejoins Pompidou, qui a demandé à me voir avant le débat, dans le bureau réservé au Premier ministre.
    Pompidou : « Je sais ce que je vais dire pour commencer. Mais le débat va partir dans tous les sens. Il faudra que je conclue sur des perspectives concrètes et immédiates. Pour l'Éducation, comment les verriez-vous ?
    AP. — Je suis convaincu que nous pouvons rebondir sur la crise, en allant plus loin et plus vite que nous ne pensions aller. Pourquoi ne pas faire une déclaration solennelle, proclamant la nécessité d'une Université nouvelle ! Montrons que le ministère est prêt à discuter avec tout le monde des mesures à prendre.
    « Je vois trois principes de base: 1) l'autonomie de chaque université ; donc leur différenciation progressive ; 2) la participation des étudiants à la gestion universitaire, voire la cogestion ; 3) la reconsidération de la pédagogie, du contenu des études, des méthodes d'appréciation de la valeur des étudiants.
    Pompidou (il lève les bras au ciel). — Ce que vous proposez, c'est une révolution ! Vous voyez bien que ce n'est pas le moment.
    AP. — Ce qui est en route, c'est bien une révolution. Si elle ne se fait pas avec nous, elle se fera contre nous.
    Pompidou. — Le problème, c'est que tout ce qui viendra du ministère ou sera annoncé par votre bouche sera récusé. On déclarera que vous en êtes seulement venu là sous la pression de la rue.
    AP. — Il est facile de rappeler que j'ai multiplié les avertissements et les mises en garde, avant l'agitation étudiante ! J'ai montré que l'immobilisme nous conduirait à une explosion. D'ailleurs beaucoup de mandarins me le reprochent !
    Pompidou. — Peut-être, mais vous aurez beau faire, vous apparaîtrez inévitablement comme à la remorque des étudiants révolutionnaires.
    AP. — Mais le comité des Sages, dont je vous ai parlé, servirait à dépersonnaliser la démarche. Il recueillerait les idées qui, inévitablement, vont venir de partout. Il faudrait d'ailleurs qu'il y ait autant de comités de réflexion qu'il y a d'académies, et que les autorités universitaires participent aux discussions en cours ou même, si possible, les organisent. Il est essentiel d'éviter l'impression que les réformes vont être concoctées et imposées de Paris.
    Pompidou (il secoue la tête). — Il faut que la fureur des révolutionnaires se déconsidère par ses excès. C'est ainsi que nous en sortirons. »
    Quelques minutes plus tard, il monte à la tribune, pour une remarquable déclaration, que vont suivre les interventions des orateurs de l'opposition, notamment de Mitterrand.
    En faisant l'historique de cette décade, Pompidou n'a pas dit unmot du Général, ni de Joxe, ni de Fouchet, ni de moi. Mais c'est comme un subtil désaveu de ce qui s'est fait en son absence. L'impression prévaut qu'il veut prendre lui-même les choses universitaires en main.
    Mitterrand attaque férocement : « Qu'avez-vous fait de l'État ?... Qu'avez-vous fait de la justice ?... »
    À Mendès France, à Sudreau, qui ont lancé leurs rafales, Pompidou répond point par point : « Nous avons mis en service depuis six ans plus de locaux universitaires qu'il n'en existait au total en 1962. »
    Mais il a su élever le débat, en des termes qui impressionnent profondément l'hémicycle : « Je ne vois de précédent dans notre histoire qu'en cette période désespérée que fut le XV e siècle, où s'effondraient les structures du Moyen Âge et où, déjà, les étudiants se révoltaient en Sorbonne. À ce stade, ce n'est plus, croyez-moi, le gouvernement qui est en cause, ni les institutions, ni même la France. C'est notre civilisation elle-même. »
    Une sorte d'euphorie s'est répandue dans l'hémicycle et maintenant dans les couloirs. On savait combien Pompidou était populaire à

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