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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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pour exprimer ma crainte qu'une contagion se répande dans tout le pays.
    Pompidou : « Quelle contagion ? Les syndicats n'ont jamais été aussi tranquilles. Les communistes sont hostiles aux gauchistes. Ne vous inquiétez pas. Je sens mon affaire. »
    En somme, Pompidou pense que la partie « main de fer » de mon plan gâcherait la partie « gant de velours », qui seule doit être retenue. Pas de bâton, ni de menace de bâton : il faut se résoudre à donner seulement la carotte, et tout entière.
    Pompidou conclut : « Si les gauchistes veulent faire la foire, çava retourner l'opinion contre eux. Notre meilleure carte, c'est la démonstration des conséquences déraisonnables de leurs actes. Nous allons ouvrir les portes librement. Laissons-les se débrouiller. »

    Pompidou : « Ma décision est prise ; il me reste à la faire approuver par le Général »
    Je fais quand même une dernière tentative.
    AP : « Pourquoi se presser ? Rien n'arrivera avant lundi après-midi. Je crains qu'ensuite, on n'évite pas la contagion à travers le pays. Il vaudrait mieux se donner le temps de peser les conséquences. Pourquoi ne pas attendre de nous réunir demain pour prendre ces décisions ?
    (Je ne me suis pas cru autorisé à annoncer ce que le Général venait précisément d'arrêter : une réunion dans son bureau demain matin.)
    Pompidou. — Non, non ! Il ne faut pas perdre une heure. J'étais même tenté d'indiquer déjà mes intentions en arrivant à Orly. Mais il fallait bien que je m'entretienne d'abord avec le Général. »
    Il reprend sèchement, sans qu'aucun de mes collègues ait ouvert la bouche : « Écoutez, ma décision est prise. Il me reste à la faire approuver par le Général et à l'annoncer. »
    Inutile d'insister. Pompidou est inflexible. Mais je ne doute pas qu'il se heurte tout à l'heure au Général, qui nous a refusé cette semaine ce que nous lui proposions dans ce sens, alors que nous l'entourions de fortes précautions dont le Premier ministre ne veut pas.
    Nous sortons. Joxe et Fouchet paraissent soulagés de voir le Premier ministre prendre spontanément sur ses épaules la solution qu'ils préconisaient. Joxe me murmure à l'oreille : « Va-t-il emporter le morceau avec le Général ? Ça va être intéressant. »
    Je rentre à mon domicile et passe quelques coups de téléphone en Seine-et-Marne. La tonalité de mon « panel » est toujours la même : « Surtout, ne mollissez pas ! »

    Samedi 11 mai 1968, 23 heures.
    Pompidou parle à la télévision. Je suis abasourdi. Il a fait approuver sa démarche. Le Général, deux heures plus tôt, m'avait donné son complet accord, avait confirmé cette décision à Tricot et s'apprêtait à la mettre en musique demain matin. Et il s'est rallié sans combat à une attitude diamétralement opposée ?
    Ou bien il est sous influence, lui dont on n'avait jamais pu dire qu'il l'était à l'égard de quiconque : l'influence d'un homme dont la compétence, l'énergie, la maîtrise de lui-même, l'impressionnent, et même l'intimident quand il s'agit de l'Université et desjeunes, domaines où il se sent moins sûr de lui. Ou bien, il n'est plus de Gaulle, mais un homme qui sent ses forces diminuer et qui est trop content de laisser à son second la responsabilité que celui-ci demande crânement à assumer. Je ne vois pas d'autre hypothèse.
    Il est vrai qu'il m'en donnera une troisième plus tard 2 .
    Je suis consterné. Si l'on devait annoncer la réouverture de la Sorbonne et la libération des étudiants condamnés, il aurait évidemment mieux valu le faire avant les bagarres de la nuit dernière. Comment les Français ne ressentiraient-ils pas cette volte-face comme un désaveu, par Pompidou, de son propre gouvernement et donc du Général lui-même ?
    1 Capitaine de vaisseau François Flohic, aide de camp du Général de 1965 à 1969.
    2 Voir VIII e partie, ch. 3, p. 573, et ch. 6, p. 597.

Chapitre 16
    POMPIDOU : « LE GÉNÉRAL A CHANGÉ »
    Rue de Grenelle, dimanche 12 mai 1968.
    J'avais convoqué dans mon bureau les recteurs et les doyens de l'université de Paris à 9 heures, pour me préparer à la réunion de l'Elysée qui devait peaufiner mon plan équilibré, que Pompidou a jeté à la corbeille. Par force, notre rencontre matinale change d'objet.
    D'entrée de jeu, je précise que j'ai offert ma démission au Président de la République, qui l'a refusée. Je rappelle les péripéties des neuf jours écoulés : « Et maintenant,

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