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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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approbation. Elle pourrait servir de base à des auditions de la commission des Affaires culturelles, qui pourra entendre tous les responsables, universitaires et étudiants, syndicaux et patronaux. Ça entretiendrait le débat au Palais-Bourbon, là où il est légitime qu'il se déroule, et non dans la rue, ou dans des amphithéâtres dominés par les enragés.
    « Il faut que l'on offre aux étudiants de participer. Les enseignants n'en voulaient pas, mais maintenant qu'ils veulent rattraper le train, ils ne peuvent plus s'y opposer. L'Université napoléonienne doit éclater en universités autonomes — sous la conduite bien entendu de l'État, qui est seul capable de mener à bien la mutation. »
    Pompidou ne me répond définitivement ni oui ni non : « Il faut voir comment se passe la séance de demain après ma déclaration, et comment se présente la motion de censure. »
    Il est temps de conclure.

    Pompidou : « Ils ne vont tout de même pas nous foutre en l'air, dix ans après ! »
    AP : « Vous avez trop bien réussi à Matignon, si vous me permettez de vous le dire. Votre présence au sommet du pouvoir est très forte, votre capacité d'influencer le Général est incomparable. Votre absence a provoqué un déséquilibre dans la marche de l'État. Si vous aviez été là, les choses se seraient passées autrement. »
    Pompidou, très détendu, sourit : « Je vois ce que vous voulez dire. (Je n'en suis pas si sûr.) C'est vrai que, quand on doit se faire suppléer, on n'a pas tendance à chercher quelqu'un qui vous chauffera la place. »
    Il pense évidemment à Debré, par lequel il n'avait aucune envie de se faire remplacer ; de Joxe, en revanche, il n'avait pas à craindre qu'il le supplantât. Mais je ne pensais pas seulement à cela. Si Pompidou avait vécu au jour le jour la semaine précédente, il n'aurait pas fait la volte-face d'avant-hier soir.
    Pompidou baisse la voix : « Vous savez, tout ça ne serait pas arrivé si... Le Général a changé... »
    Deux fois — après le « peuple dominateur et sûr de lui », après « le Québec libre » — Pompidou m'a lâché un mot semblable ; deux fois, il a baissé la voix, bien que personne ne pût entendre : c'est sa façon de faire comprendre qu'il s'agit d'un propos secret.
    « Vous voyez, le Général n'est plus le même. Il a vieilli. Il n'a plus la même sensibilité aux conséquences des initiatives qu'il prend, à l'impact des propos qu'il tient. »
    S'il m'a répété ainsi ce jugement terrible, sans se souvenir qu'ill'a déjà prononcé devant moi, c'est qu'il a dû en dire autant à d'autres. Il est clair que, pour Pompidou, le moment approche de prendre la place du Général, dans l'intérêt du pays. Mais ce sont des expressions qu'il n'emploie qu'en tête à tête. Toute son attitude montre qu'il est obsédé par cette idée et qu'il estime de son devoir, comme un fils aimant, de jeter le manteau de Noé sur l'affaiblissement du Général.
    C'est une loyauté supérieure. Pourtant, en l'occurrence, est-ce lui qui a raison dans ses intuitions ? Je crois bien que c'est le Général.
    Affaiblissement, défaillance du Général ? S'il y a une défaillance dans la lucidité, elle me paraît complète dans la classe politique parisienne, y compris dans les cabinets ministériels ; et seuls y échappent, à mes yeux, le Général et les vieux grognards du RPF, auxquels il a inculqué le culte de l'autorité de l'État, dernier recours dans les épreuves.
    Jobert entre dans le bureau de Pompidou : de la place de la République à la place Denfert-Rochereau, il y a plusieurs centaines de milliers de manifestants. On brandit des drapeaux rouges et noirs. Des banderoles proclament : « Dix ans, ça suffit ! », ou : « 13 mai 58, 13 mai 68, bon anniversaire ! », ou : « Le pouvoir recule, faisons-le tomber ! » Des cris sacrilèges sont lancés : « De Gaulle aux archives », « De Gaulle à l'hospice ».
    Pompidou, rieur et incrédule, nous dit : « Ils ne vont tout de même pas nous foutre en l'air pour ce dixième anniversaire ! »

    Pompidou : « Vous ne parlez à personne de cette démission ! »
    En me raccompagnant à la porte de son bureau, il me redit d'un ton insistant : « Vos collaborateurs sont au courant de vos lettres ?
    AP. — Absolument pas.
    Pompidou. — Vous ne parlez à personne de cette démission, vous m'entendez ? Personne, même pas à votre femme ! »
    Fin comme l'ambre, il a senti que l'annonce, ou seulement la

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