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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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rumeur de cette démission, risquerait de porter ombrage à l'autorité dont il a besoin pour gagner son pari.
    1 Maître des requêtes au Conseil d'État, conseiller technique auprès du Premier ministre depuis 1964.

Chapitre 17
    « NOUS ALLONS EN APPELER AU PEUPLE »
    Orly, mardi matin 14 mai 1968, 7 heures 15.
    Une petite moitié des ministres est à l' « isba » d'Orly : nous sommes venus saluer le Général, qui s'envole pour Bucarest. De la bouche de Fouchet, nous apprenons que nous avons failli nous déranger pour rien. Entre minuit et 1 heure du matin, il a adjuré le Général de renoncer à partir.
    Le Général a argué que l'opinion roumaine ne comprendrait pas qu'il y renonçât. Fouchet a répondu que l'opinion française comptait plus que l'opinion roumaine, dans un moment aussi dramatique.
    Là-dessus, Pompidou et Couve sont arrivés à l'Élysée : « Vous ne pouvez pas annuler cette visite d'État au dernier moment », a dit Couve. Et Pompidou : « Les difficultés sont derrière nous. Si vous renoncez à votre voyage, vous allez donner au contraire l'impression que ce n'est pas terminé, que les choses sont plus graves qu'elles ne sont. »

    « J'ai été tenté cette nuit de renoncer à partir »
    Pompidou arrive à l'isba, bientôt suivi du Général, qui nous serre la main et nous réunit en cercle autour de lui : « J'ai été tenté cette nuit de renoncer à partir. Mais ce voyage a beaucoup d'importance pour notre politique internationale, pour la détente. Si j'y avais renoncé, l'effet dans le monde aurait risqué d'être désastreux. Bucarest est à moins de trois heures de Caravelle. Il ne faut pas donner à l'agitation étudiante plus d'importance qu'elle n'en mérite. »
    Il précise à Gorse : « Je parlerai le 24 mai : vous pouvez l'annoncer. Je dirai au pays ce que je pense de cette agitation. »
    Pourquoi fixer un rendez-vous à la télévision aussi longtemps à l'avance ? Il avait déjà agi ainsi pour les barricades d'Alger et pour le putsch. Mais il se faisait attendre deux ou trois jours, non dix.
    Que se passera-t-il dans ces dix jours ? Ou bien, comme l'annonce Pompidou, tout sera retombé, et l'intervention sera inutile ; ou bien l'agitation se poursuivra, et nul ne peut encore dire si ce sera le bon moment d'intervenir. Évidemment, il veut que les gens se suspendent dans l'attente : « Que va-t-il bien pouvoir dire ? » C'est quand même singulier.
    Quand l'avion s'est envolé, Fouchet me tire par le bras et me propose de monter dans sa voiture, tandis que la mienne suivra.
    Se penchant à mon oreille pour ne pas être entendu de son inspecteur, il me glisse : « Pompidou, visiblement, veut être seul à tenir la barre. Le Général donne l'impression d'être ballotté, de pencher pour une décision, puis pour la décision contraire, de quart d'heure en quart d'heure. Je ne l'avais jamais vu hésitant comme ça. Il a fini par suivre l'avis de Pompidou, contre mon gré. »
    Après un silence, il ajoute : « Vous savez, je me demande si ce n'est pas vous qui aviez raison, quand Pompidou est rentré. Les syndicats se disent que le gouvernement s'est mis à genoux, que c'est le moment de revendiquer. Il n'y a pas de raison de se gêner. Pompidou s'est déculotté avec panache, mais il a quand même perdu sa culotte. Il aurait mieux fait de se donner vingt-quatre heures de réflexion. »
    Comme je comprends les hésitations du Général ! Vu de Sirius, il eût été dommage qu'il renonçât à un voyage où il pouvait semer des graines d'indépendance et lézarder un peu le bloc soviétique. D'ailleurs, s'il était resté, qu'aurait-il pu faire, dès lors qu'il avait donné carte blanche à Pompidou ? Mais, vue par l'opinion publique française, cette visite où le Général va se faire acclamer follement par les foules roumaines, et particulièrement par les étudiants de l'université de Bucarest, paraîtra surréaliste.

    Pompidou : « Tant que je serai là »
    Matignon, mardi 14 mai 1968.
    Je ne suis pas convoqué régulièrement aux réunions matinales autour de Pompidou sur le maintien de l'ordre : je ne m'en plains pas, ce n'est pas mon affaire. Aujourd'hui, pourtant, j'ai été invité.
    Pompidou, comme toujours parfaitement maître de ses nerfs, évoque, avec un humour teinté de gravité, les moments terribles où la troupe a tiré sur les manifestants : 1830, 1848, 1871, le 6 février... Il conclut cette brève échappée : « Voilà ce qui ne se passera jamais à

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