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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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comment voyez-vous la suite ? »
    Zamansky, doyen des sciences, le plus optimiste, pense reprendre en main ses professeurs et ses maîtres de conférences, lesquels reprendraient en main les maîtres-assistants et assistants, et ceux-ci calmeraient les étudiants...
    Le doyen du droit, Barrère, est confiant : il suffit que chaque faculté se dote de quelques « appariteurs costauds », comme ceux dont il dispose et dont la vue suffit à tenir en respect des excités qui chez lui ne font pas nombre.
    Poitou, doyen des sciences à Orsay — mon camarade de promotion, très militant syndicaliste —, me déclare sèchement que, dans sa faculté, les cours reprendraient quand « le » syndicat l'aura décidé, mais pas avant.
    En revanche, Roche, Grappin et Durry ne se font aucune illusion : les activités universitaires ne reprendront pas avant l'été. La réouverture immédiate et inconditionnelle étant décidée, il n'y a qu'à attendre ce qui va se passer et qui ne pourra être que le déferlement des enragés. Mais ils ne reprochent pas au Premier ministre son choix : sa clémence devrait être, à la longue, payante.
    Nous parlons assez longuement des problèmes de la rentrée, de l'organisation universitaire.
    Au-delà des opinions exprimées par les uns et les autres, j'ai l'étrange impression que, ces grands universitaires comme moi, nous pressentons, sans encore nous le dire, que l'Université de France ne sera plus jamais ce qu'elle a été. Une nouvelle Université va naître. Nous n'en savons qu'une chose : ce sera dans la douleur.

    Plus je réfléchis à l'allocution du Premier ministre, plus je me persuade que je ne peux rester à mon poste.
    Édouard Balladur 1 me fait savoir dans l'après-midi que, pour le déroulement des débats parlementaires, Pompidou n'a pour le moment rien fixé. Mais il paraît exclu que les journées de mardi, mercredi et jeudi soient consacrées au débat sur l'Éducation nationale qui avait été programmé. Le Premier ministre s'oriente vers un débat à l'occasion d'une déclaration qu'il ferait mardi. Il va travailler cet après-midi à préparer son discours.
    La suppression de ce débat de trois jours qui allait sceller une année de travail me confirme, s'il en était besoin, dans la décision que j'ai prise in petto hier soir en entendant le Premier ministre.
    Il a décidé, malgré mes objections, une volte-face par rapport à l'action menée en son absence. Il l'a fait accepter par le Général. Je ne peux être l'homme de cette nouvelle politique, qui a déjà peu de chances de réussir, mais qui n'en a aucune si l'on garde les mêmes hommes.

    Jobert : « Votre démission ? Il n'en est pas question »
    Je lui écris à la main, sur mon papier à lettres personnel :
    « 9, rue Le Tasse
    « Paris, dimanche 12 mai.
    « Monsieur le Premier ministre,
    « Hier soir, vous avez fait un pari. Je vous en avais, auparavant, souligné les périls. Comme je souhaite que vous le gagniez ! Mais en restant au poste que j'occupe, je ne pourrais que diminuer vos chances.
    « J'ai respecté — tout en essayant, sans succès, de calmer les esprits — les consignes de fermeté que le Général nous avait données.
    « Maintenant que vous lui avez fait accepter une politique inverse de celle que j'avais reçu instruction d'appliquer et que bon gré mal gré je symbolise, il me paraît souhaitable qu'un homme nouveau prenne mon relais.
    « Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, à mon fidèle dévouement. »

    Je fais porter cette lettre dans l'après-midi, à son domicile privé, quai de Béthune, par mon chauffeur et mon inspecteur. Celui-ci apprend que le Premier ministre passe le dimanche à Orvilliers ; il laisse la lettre au concierge, avec promesse de la lui remettre dès son retour.
    Lundi 13 mai 1968.
    J'appelle Joxe : « C'est quand même dommage que nous ayons raté cette négociation ! Il y a quelque chose d'absurde dans ce hiatus entre une nuit où on s'est battu pour refuser des concessions — et le lendemain soir où le Premier ministre, en rentrant, accorde toutes ces concessions sans coup férir !
    Joxe. — Je vous l'ai dit, Pompidou m'avait interdit de faire des concessions. Il voulait être l'homme qui accordait ce que des méchants avaient refusé. Je ne sais pas ce qui va se passer dans les jours qui viennent. Mais je suis sûr d'une chose : Pompidou sera un jour Président de la République. »

    J'appelle Jobert : « Le Premier ministre vous

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