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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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l'Assemblée, non seulement parmi les députés de la majorité, mais, avec des nuances, parmi ceux de l'opposition, y compris les communistes. Sa bonhomie, sa compétence souriante, sa culture l'auréolent de sympathie. On savait aussi qu'il était aimé dans les classes moyennes. On ne le savait pas au point où la crise vient de le révéler. Son allocution de samedi a rencontré exactement les attentes de la classe politique. Et celle qu'il vient de prononcer a enchanté les journalistes autant que les députés.
    On l'aime d'être humain. On l'admire d'être habile et parfois profond. Son côté bon vivant rassure. Il ne cherche pas à contraindre, mais à persuader. On lui est vaguement reconnaissant d'être un complément contrasté de De Gaulle ; les uns aiment mieux le complément, les autres le contraste.

    Pompidou : « J'ai des sources sûres »
    À la suspension de séance qui suit le discours du Premier ministre, tandis que le flot des députés s'écoule vers la Salle des bronzes, je le complimente sur la hauteur à laquelle il a su placer son intervention. Je l'interroge aussi sur un passage de son discours qui m'a intrigué :
    « Vous croyez vraiment à une organisation internationale qui fomenterait des troubles à Paris ?
    Pompidou. — Si je l'ai dit du haut de la tribune, c'est que j'ai des sources sûres. »
    Pompidou aime user de formules dont ses familiers devinent le sens. Il ne parle jamais ni des services spéciaux, ni des écoutes téléphoniques.Mais nous savons qu'il est attentif aux informations apportées par ces sources qu'il ne faut jamais avouer. Il me l'a encore montré au début du mois, à propos de l'attitude des communistes.
    Quelques jours plus tard, j'apprends qu'on a la certitude de versements faits aux groupuscules révolutionnaires de Paris par l'ambassade de Chine à Berne, par la CIA et par Cuba ; sans compter quelques soupçons motivés du côté d'Israël et de la Bulgarie. Toujours par la Suisse. « Tandis que les possédants français font porter des valises de billets en Suisse, conclut mon informateur, d'autres valises en apportent autant à nos émeutiers. Un exemple de la circulation universelle du flouze. »
    Le « bourgeois » et l'antibourgeois se croisent et convergent. Le Général a suscité la colère simultanée des forces contraires qu'il défie de si haute façon. Mais fallait-il ainsi, en accumulant les défis, accumuler les orages ?
    Mercredi 15 mai 1968.
    Il règne une étrange atmosphère dans tous les ministères. Tout est suspendu à Pompidou. Aucun des ministres ne prend la parole, ni même de décision. Ils ne sont plus que des ombres portées.
    L'impression est profonde sur le public : un grand homme d'État a pris les choses en main. Mais est-il sain que toute l'activité de l'Etat se réduise à un one man's show ?
    Du reste, l'euphorie ne dure pas. Des nouvelles inquiétantes arrivent de l'Ouest : débrayages, séquestrations et occupations à l'usine Sud-Aviation près de Nantes hier, et aujourd'hui à l'usine Renault de Cléon, près de Rouen.

    Le rapport que me font mes collaborateurs des parlotes de la Sorbonne me laisse entrevoir qu'une faille peut apparaître entre les gauchistes, qui annoncent le boycott des examens, et la masse inquiète des étudiants.
    J'enregistre, pour plusieurs stations de radio un avertissement sévère :
    « Les examens et concours qui vont valider l'année universitaire seront organisés dans tout le pays selon les directives du ministère, adaptées aux circonstances locales par les recteurs et les doyens. Les étudiants qui ne les passeront pas, non seulement auront perdu leur année, mais ne seront pas réinscrits pour l'année suivante. (...) Il n'y a aucune raison pour que les faux étudiants qui ont déjà perdu leur année en faisant de la politique, et qui ont de bonnes raisons de craindre le résultat de ces examens, obligent les vrais étudiants à perdre eux aussi leur année. »

    Le résultat de cette déclaration ne se fait pas attendre.
    Le professeur Alfred Kastler me fait remettre en mains propres une lettre manuscrite. Elle commence fort gracieusement :
    « M. le Ministre, vous êtes supérieurement intelligent. Vous l'avez montré au ministère de la Recherche scientifique (...) et dans la première année de votre séjour rue de Grenelle (...) »
    Elle se termine plus brutalement :
    « Mais ce que vous pouvez dire maintenant, même si on ne peut que vous approuver dans le fond, ruine la

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