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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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leur montrer qu'ils ne rêvent pas. Ils avaient cru que les événements allaient engloutir la réforme. Ils s'émerveillent qu'on leur parle bien du sujet auquel, leur volontariat le montre, ils sont attachés. Quand je me retire, des applaudissements nourris, de la part de ces fonctionnaires de l'Education nationale peu portés à aduler leur ministre, me redonnent quelque espoir. Il y a donc une contagion de la crânerie, comme il y a une contagion de la défaillance. Mais je me demande si ma crânerie pourra tenir longtemps.

    Vendredi 17 mai 1968.
    Parmi mes collègues, une fronde s'est élevée : « Ce n'est pas tolérable de voir des images folkloriques du voyage triomphal du Général en Roumanie, pendant qu'ici, l'insurrection déferle. »
    Debré, Fouchet et d'autres téléphonent à Bucarest pour supplier le Général de rentrer. Il décide finalement de revenir samedi soir au lieu de dimanche matin.

    De Gaulle : « Ils vous ont pris l'Odéon ? » Malraux : « Ça ne leur portera pas bonheur »
    Orly, samedi 18 mai 1968, 22 heures 30.
    L'un après l'autre, tous les ministres arrivent à l' « isba ».
    À 22 heures 30, le Général apparaît à l'échelle de coupée de sa Caravelle. Il rentre de Bucarest en aussi grande forme que, samedi dernier, Pompidou de Kaboul. Mais ses conclusions ne vont pas du tout dans le même sens.
    Nous nous rangeons par ordre protocolaire.
    Le Général a les oreilles encore bourdonnantes de l'enthousiasme qu'il a soulevé. Et nous voilà tous anxieux, à mille lieues de son rêve. Après avoir passé en revue le piquet d'honneur, il nous apostrophe l'un après l'autre. Même Pompidou, si entraîné à arborer la sérénité, a l'air un peu piteux quand le Général l'interpelle : « Alors, vous avez laissé prendre l'Odéon ? C'est partout la chienlit ? »
    Il lui fait perdre, comme il en a seul le pouvoir, son permanent sourire. Pompidou répond à voix basse une phrase que je n'entends pas ; mais il garde de longues minutes la mine d'un enfant grondé.
    À Malraux, le Général jette : « Ils vous ont pris l'Odéon ?
    Malraux. — Ça ne leur portera pas bonheur. »
    Quand vient mon tour, le Général me dit : « Alors, vos étudiants, ils cavalent toujours ?
    AP. — J'espère qu'ils finiront par se fatiguer. »
    Il passe au suivant.

    « Il faut reprendre d'abord l'Odéon, puis la Sorbonne »
    De son geste familier, il nous invite à nous disposer en cercle autour de lui.
    GdG : « J'ai décidé de revenir quelques heures plus tôt. Ça ne peut pas continuer. Il faut marquer le coup tout de suite. La Sorbonne, l'Odéon, c'est trop. Nous allons reprendre tout ça en main. Nous allons régler les problèmes comme nous les avons toujours réglés dans les moments difficiles. Nous allons en appeler au peuple. »
    Le Général nous parle ensuite de son voyage : « Il était très important. C'est extraordinaire comme on aime la France là-bas. La France, c'est la liberté, c'est l'indépendance du peuple. Et puis, dit-il en se tournant vers moi, les Roumains font la sélection ! Ils n'ont pas d'ennuis avec leurs étudiants. »
    Pendant que le Général s'en va, nous nous interrogeons sur ce qu'il a voulu dire en parlant de ses projets. Certains pensent que le Général a en tête l'article 16, mais Couve nous met sur la voie en nous parlant d'un référendum. Tous, en tout cas, sont frappés par sa détermination, qui prend un air de reproche envers ce qui s'est passé en son absence et, carrément, envers Pompidou.
    Depuis six ans, c'est la première fois que je le vois réprimander — indirectement, et sans le dire — son Premier ministre devant ses ministres. Pompidou s'engouffre dans la voiture du Général, l'air penaud.
    Grimaud a pris des dispositions pour que le cortège suive un itinéraire inhabituel. Quel contraste dérisoire ! De Gaulle vient de quitter les foules roumaines acclamant l'homme qui a su se glisserentre les deux supergrands pour proclamer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Et il doit regagner l'Elysée par un trajet furtif.

    À l'isba d'Orly, Flohic m'a glissé : « Le Général n'a cessé d'être nerveux sur ce qui se passait à Paris. Nous téléphonions plusieurs fois par jour pour avoir les dernières nouvelles. Chaque fois, nous apprenions qu'une nouvelle usine, qu'une nouvelle faculté, que l'Odéon étaient occupés. Dans l'avion du retour, il a écrit un papier qu'il m'a montré : " Il faut reprendre d'abord l'Odéon, puis la

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