Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
gouvernement a le devoir de maintenir la paix publique et de protéger tous les citoyens, sans exception, contre les excès et la subversion. »
    Cela sonne vague, alors que la situation sociale s'aggrave nettement et que l'opposition avance ses pions. Le bureau de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste a demandé la démission du gouvernement et des élections. Le parti communiste a déclaré : « Les conditions mûrissent rapidement pour en finir avec le pouvoir gaulliste. » Du côté des étudiants, les activistes cherchent une relance. Les comités d'action annoncent une manifestation contre la télévision à Cognacq-Jay pour le lendemain à 20 heures 30.
    Frey, Foccart, Guichard pressent Pompidou : le communiqué ne suffit pas. Il se résout finalement à parler. Il garde toujours le même sang-froid et rédige instantanément son projet d'allocution, dont il nous donne lecture : « J'ai fait la preuve de ma volonté d'apaisement... J'ai rendu l'Université à ses maîtres et à ses étudiants... J'ai libéré les manifestants arrêtés... J'ai annoncé une amnistie totale... Des groupes d'enragés se proposent de généraliser le désordre, avec le but avoué de détruire la nation et les bases mêmes de notre société libre... Le gouvernement doit défendre la République. Il la défendra. »

    110, rue de Grenelle, même jour, 15 heures.
    Voici la réunion des recteurs. Comme les choses ont changé depuis la dernière ! Ils sont venus de leurs académies où la contestation a établi ses quartiers aussi bien qu'à Paris. Il serait important que le ministre puisse leur donner des consignes pour l'immédiat et des perspectives pour en sortir ! Je fais ce que je peux pour donner l'impression que c'est le cas.
    Je m'échappe un moment, laissant la présidence à Laurent, pour aller à Matignon arrêter avec Pompidou le communiqué sur le comité des Sages et lui proposer un décret déléguant aux doyens le pouvoir de réglementation des examens, afin de leur permettre d'en négocier l'organisation dans de bonnes conditions. Le Premier ministre refuse de donner à cette délégation l'autorité d'un décret.
    Il ne veut pas qu'on reconnaisse, par un texte qui engage juridiquement le gouvernement, que les épreuves varieront d'une faculté à l'autre ; ni que l'on « découpe en rondelles » l'autorité ministérielle ; ni que l'on porte atteinte à un principe fondamental : les examens sont les mêmes partout, se passent partout selon les mêmes modalités, ont la même valeur partout. Il veut bien un communiqué, mais rien d'autre. Pense-t-il qu'il vaut mieux sacrifier la session d'examens plutôt que de sacrifier le principe, ou la fiction, de leur caractère national ? Je n'ose lui poser la question, et, sur le coin de la table, je transforme mon décret en communiqué.
    Je le lui tends. Pompidou le parcourt en diagonale : « Laissez-le-moi, c'est à Gorse de le lire à la télévision, pour qu'on comprenne bien que ça engage le gouvernement tout entier. » Ce ne sera donc pas un communiqué du ministre de l'Éducation nationale, mais du Premier ministre...

    Paris, même jour, 20 heures.
    L'intervention du Premier ministre, préalablement enregistrée, est diffusée après un débat où Cohn-Bendit, Geismar et Sauvageot ont mis à mal trois journalistes chevronnés 1 qui leur étaientopposés. Leur style direct et leur expression désinvolte ont sûrement séduit. Le discours de Pompidou, venant ensuite, donne l'impression d'un langage conventionnel.
    Quand des étudiants voltigent en lançant des pavés sur la police lourdement casquée, c'est vers eux que va spontanément la sympathie. Quand ils envahissent le petit écran en face des figures habituelles, ils dominent aussitôt. Au jeu de l'espièglerie subversive, ils auront toujours le dessus.
    Dans la soirée, l'Odéon est occupé.

    110, rue de Grenelle, vendredi 17 mai 1968.
    Encore une réunion où j'ai le sentiment étrange de jouer mon propre rôle.
    Ce matin, j'ouvre les journées d'information sur la réforme de l'orientation, auxquelles ont été conviés ceux qui seront, à partir de la rentrée prochaine, les responsables de l'orientation dans les deux académies pilotes de Reims et de Grenoble : chefs du nouveau service, directeurs de centres d'orientation, professeurs-conseillers.
    L'auditoire est tellement surpris de m'entendre prendre des dispositions sereines en vue de la rentrée, que je m'interromps un instant pour

Weitere Kostenlose Bücher