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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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valeur de ce que vous dites, par le fait que c'est vous qui le dites. Je vous conjure donc de garder le silence. »
    À peine ai-je reçu ce poulet que Pompidou me demande de passer le voir : « Votre déclaration me gêne. Ne dites rien, ne faites rien, je m'occupe de tout ! »
    Me voilà deux fois bâillonné : par celui qui s'est fait la caution des gauchistes et par celui qui s'est fait fort de les réduire en les amadouant.
    AP : « Vous voyez bien que vous auriez dû accepter la démission que je vous ai offerte dimanche. Vous m'auriez remplacé par quelqu'un qui n'aurait été pour rien dans ce qu'ils appellent " la répression policière". »
    Pompidou est lent à me répondre : « Ne vous tracassez pas. Dans quelques jours, cette énorme farce sera retombée d'elle-même, et vous reprendrez votre liberté de mouvement. Mais pendant ces quelques jours, je vous demande de vous en abstenir. Nous sommes sur le fil du rasoir. Toute initiative venant de vous sera automatiquement contrée. Quelques jours de silence, ce n'est quand même pas difficile ! Les choses vont si vite...
    AP. — Si je ne peux pas faire de déclaration publique dans les jours qui viennent, il y aura peut-être avantage à ce que je prépare discrètement ce qui se passera ensuite. J'ai préparé le décret créant un comité des Sages auprès du Premier ministre et du ministre de l'Éducation nationale. Il correspond à ce que vous avez annoncé hier. En voici le texte, que j'ai signé. Vous pourrez, si vous l'approuvez, le signer aussi et en donner la primeur à la presse, pour montrer que vous ne lancez pas des paroles en l'air et que vous donnez suite rapidement à vos annonces. »
    Pompidou saisit le texte, le lit lentement. Je vois qu'il hésite en voyant que ce comité sera placé aussi « auprès du ministre de l'Education nationale ». Je précise, avec un sourire qui a dû paraître triste : « Il y aura toujours quelqu'un qui en assumera les fonctions. »
    Pompidou se reprend vite, comme s'il avait été pris en faute : « Oui, oui, bien sûr », et il signe.
    AP : « J'ai réfléchi aux noms de ceux qui pourraient y figurer. Je laisse en blanc les délégués des étudiants, qui seront désignés par eux-mêmes. Mais j'ai retenu une vingtaine de noms, deux fois plus qu'il n'y aura de places. À vous de rayer les noms inutiles.
    Pompidou. — Laissez-moi cette liste, je vais y réfléchir. »
    Je reviens de Matignon perplexe. Dans ce palais de la Républiqueoù tous les pouvoirs sont concentrés, on souhaite que, tout en gardant l'apparence de mes fonctions, je ne les exerce pas. Dans cet autre palais de la République, que je rejoins maintenant, comment me maintenir sans rien faire ? La Rue de Grenelle a besoin d'un chef. Ceux qui y travaillent ont besoin de le sentir présent et actif, veulent savoir qu'il s'occupe d'eux et qu'il les sortira de là. Si je n'ai aucun moyen d'affirmer ma présence, je vais apparaître comme l'oiseau hypnotisé par le serpent qui va l'avaler, et qui ne songe même plus à s'envoler.
    J'ai appris que les instructions écrites que j'avais envoyées hier aux recteurs pour leur demander d'affirmer leur présence auprès des doyens, inspecteurs d'académie, proviseurs, ont été bloquées par le cabinet du Premier ministre. La consigne de silence qui a été imposée par Pompidou est d'ores et déjà appliquée avec rigueur, même pour mes transmissions à mes subordonnés hiérarchiques ; bien plus, elle a été anticipée par la machinerie de Matignon.

    Pompidou : « Des groupes d'enragés se proposent de généraliser le désordre »
    Matignon, jeudi 16 mai 1968.
    La contagion atteint ce matin d'autres usines Renault : Sandouville, Le Mans, Flins, mais aussi Unilec à Orléans, Lockheed à Beauvais. Nous nous retrouvons à plusieurs, Frey, Guichard, Foccart, dans le bureau de Pompidou. L'avis général est de lui demander de dénoncer l'extension des désordres, qui dépassent de beaucoup l'Université. Le bon effet de son allocution de samedi s'est estompé en trois jours. Le public recommence à être désemparé.
    Le Premier ministre doute qu'il soit déjà temps pour lui de s'engager à nouveau. Il préfère confier à Gorse le soin de lire un communiqué. Avec un calme parfait, il écrit, pendant que nous parlons entre nous, un texte qui répond à nos objurgations :
    « Dès lors que la réforme universitaire ne serait plus qu'un prétexte pour plonger le pays dans le désordre, le

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