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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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peut pas s'abaisser à polémiquer : mais le chef de ses compagnons en découd avec le chef de l'opposition parlementaire. Comme je le félicite au téléphone, il me répond modestement : « J'y suis allé d'autant plus fort que c'est le Général qui me l'a demandé. »
    Il faut reconnaître pourtant que ce gouvernement qui vacille, le vide du pouvoir, le vertige qui s'empare de toute la classe politique, ne donnent pas beaucoup de crédit à l'idée que le Premier ministre et le gouvernement, qui émanent du chef de l'État, resteraient en place, si celui-ci s'en allait...
    Mitterrand le sait. Mais de Gaulle le sait aussi. Pompidou ne l'ignore pas ; il peut tenir si le Général tient. Tiendra-t-il ?

    Un membre du cabinet Pompidou : « Le Vieux au placard ! »
    Mercredi 29 mai 1968.
    L'Humanité titre, sur toute la largeur de la une : « Gouvernement populaire et d'union démocratique à participation communiste. » Mendès France se déclare prêt à diriger le gouvernement provisoire proposé par Mitterrand. Comme un seul homme, Jean Lecanuet, Antoine Pinay, Félix Gaillard, Max Lejeune, Jacques Isorni, indiquent qu'ils sont prêts à se rallier à cette initiative.
    La rumeur court dans Paris : « Il n'y a plus qu'une solution : ledépart du Général. » Elle court dans l'opposition de gauche ; elle court dans la « classe jacassante ». Elle commence aussi à s'insinuer dans les rangs des gaullistes. Pompidou n'a-t-il pas fait la preuve éclatante, au cours de ces trois semaines, qu'il était l'homme fort ? À Matignon, certains membres du cabinet murmurent : « Notre problème, c'est de savoir comment on peut se débarrasser du Général. » L'un d'eux résume ces propos en une formule joyeuse : « Le Vieux au placard ! »
    Sans oser aller jusque-là, la plupart des fidèles se désolent : « La preuve est faite qu'il suffit de recourir à la violence pour obtenir satisfaction. On va de capitulation en capitulation », dit l'un. « Tout se paye, dit l'autre. Depuis dix ans, de Gaulle donne des leçons au monde, mais il s'est mis trop de gens à dos. Les partisans de l'Algérie française, les rapatriés, les syndicalistes, les paysans, les patrons, les notables, l'armée, les pro-Américains, les pro-Israéliens, les européistes, ça fait trop. »

    « Un crédit décisif»
    D'autres contre-attaquent, et d'autant plus vivement qu'ils ont, comme Capitant, de vieux comptes à régler avec Pompidou.
    « Celui qui a préservé l'âme de la France dispose toujours, en cas de tragédie, d'un crédit décisif dans le peuple », m'avait dit un jour le Général. Certains gaullistes misent tout sur ce crédit et veulent le départ du Premier ministre. Plus nombreux paraissent être ceux qui croient ce crédit épuisé ; ils poussent au départ du Général. Il me semble que tous ont tort : dans la traversée du gué, il faut qu'ils restent tous les deux.
    L'interministériel sonne ce matin plus que jamais : situation étrange de me trouver au bout de la ligne du ministre, tout en étant déchargé de ses fonctions.
    Dannaud soigne gentiment ma tristesse en m'informant, comme si de rien n'était. Il fait état de bruits alarmants, selon lesquels les militants de la CGT, mobilisés pour la manifestation de cet après-midi, auraient reçu des armes avec mission de s'emparer de l'Élysée. Auquel cas, on ne pourrait pas éviter de faire appel à un régiment de parachutistes pour en interdire l'accès. De toute façon, les unités blindées de la gendarmerie, ayant terminé leur temps d'entraînement au Larzac, ont regagné leur base de Satory. Certains y voient confirmation des bruits selon lesquels le gouvernement se disposerait à combattre l'émeute avec les chars.
    On apprend successivement, vers 9 heures que le Conseil des ministres de ce matin, prévu pour 10 heures, est reporté à demain après-midi ; puis que le Général, fatigué par tant de nuits d'insomnie et voulant dormir à la campagne, est parti pour Colombey en fin de matinée.
    C'est exactement ce qui va se passer : après une bonne nuit à Colombey, il présidera le Conseil le jeudi à 15 heures. Mais entre-temps !

    Vers 2 heures, au moment où je reviens de la salle à manger du ministère, où on continue de nous servir des assiettes froides comme si de rien n'était, on apprend la stupéfiante nouvelle. Parti pour Colombey, le Général n'y est pas arrivé. Où est-il donc ?
    L'interministériel s'emballe. Nos interrogations s'y croisent

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