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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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heures d'angoisse qu'il venait de vivre, maislui a dit : « Vous avez gagné. » Il s'efforce d'être beau joueur et s'arrange pour qu'on le sache.
    Baden ! Le Général, en organisant sa fugue à Baden, savait que les Français seraient pendant quelques heures plongés dans l'inquiétude, puis apprendraient qu'il était allé rencontrer Massu. S'il s'était contenté d'aller passer la nuit à Colombey pour y retrouver le sommeil, l'effet eût été nul. Pour que l'électrochoc se produise, il fallait qu'on ait un moment perdu sa trace, qu'on s'interroge avec anxiété sur ce qui avait pu lui arriver. Il fallait que son entourage et son gouvernement ignorent tout de sa destination et que le public soit mis au courant de leur ignorance. Bref, il fallait créer du mystère pour y faire éclater un coup de théâtre.
    Mais n'a-t-il cherché qu'à produire un effet sur l'opinion ? À Baden, chez Massu, n'est-il pas allé chercher quelque chose pour lui-même ?
    A-t-il voulu se ressourcer auprès d'un soldat qui a été des premiers à le rejoindre en 40, et l'un de ceux qui ont fait appel à lui en mai 58 ? Il m'a dit un jour : « Les partisans de l'Algérie française, après tout, ce sont des patriotes. Ils le sont même tellement qu'ils se sont butés. Ils n'ont pas compris que la chance de la patrie, c'était de se retirer à temps. Quant à Massu, il n'a pas trempé dans l'OAS. Il est resté en deçà de la ligne interdite. »
    À quoi tiennent les destins pourtant ! Si Massu n'avait pas été expédié en métropole, fin 1959, il se serait sans doute empêtré comme son successeur, Gracieux, dans l'affaire des barricades de janvier 1960. Je me souviens de l'amusement du Général, lors d'un Conseil de 1963, qui donna sa quatrième étoile à Massu, et mit Gracieux à la retraite anticipée : « Quel service on a rendu à Massu en le faisant partir d'Alger 3 ! » Un service que sur le moment Massu n'avait guère apprécié. Mais son amertume n'avait pas prévalu sur sa fidélité.
    On apprend que Mme de Gaulle a suivi le Général dans ce voyage. J'imagine ce qu'elle doit penser, elle qui, en 1964, me suppliait de ne pas le pousser à se présenter ; elle qui, en 1965, a espéré jusqu'au dernier moment que le Général allait choisir de partir en beauté, plutôt que de s'enfoncer dans les incertitudes d'une campagne et d'un deuxième septennat ; elle qui, pas plus tard qu'hier, a été insultée dans la rue... Comme elle doit souffrir, et comme elle doit souhaiter que son mari se retire !
    Le Général est-il rentré à Colombey pour renoncer ? Ou pour rebondir ?
    1 Lieutenant-colonel d'aviation, de l'état-major particulier du Président de la République.
    2 Chef d'état-major de la Marine.
    3 C'était de Gaulle, t. II, II e partie, ch. 13.

Chapitre 2
    « LA RÉPUBLIQUE N'ABDIQUERA PAS. LE PEUPLE SE RESSAISIRA »
    Jeudi 30 mai 1968, à midi.
    À Matignon, on dit que le Premier ministre est profondément atteint par la défiance qu'a manifestée le Général en lui cachant le déplacement à Baden. Mais sa détermination et sa capacité d'analyse sont intactes. Il est maintenant convaincu que le référendum ne peut être gagné, ni même organisé. Les élections législatives, au contraire, sont faciles à mettre en place : quiconque s'opposerait à leur principe s'exclurait de la République. Et on a toutes les chances de les gagner, grâce à l'anxiété qu'a suscitée le mystérieux déplacement du Général et au reflux visible de l'opinion.

    Sur une photographie
    Pour toute cette journée, nous n'aurons eu du Général qu'une voix — son discours foudroyant — et une image : celle du photographe tombé par hasard sur la scène du retour à Issy-les-Moulineaux, avec Mme de Gaulle et l'aide de camp qui accompagnent le Général comme son ombre.
    Combien de fois est-il descendu d'hélicoptère avec la même suite discrète ? Combien de fois une voiture l'a-t-elle attendu, pour le ramener à l'Élysée ? La photo serait banale, si on ne connaissait sa date, le 30 mai 1968 ; si l'on n'avait appris que le photographe, circulant par hasard vers midi sur le périphérique, avait reconnu le chauffeur et la DS vide se rendant à Issy-les-Moulineaux ; et si l'on ne savait avec quelle vigilance le Général évitait que, justement, on ne puisse le surprendre dans les coulisses de sa propre représentation.
    Le photographe 1 a su, en se cachant, lui voler au téléobjectif cet instant, ce jour-là, dans ces

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