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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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circonstances-là. La photo la plus simplement anecdotique se charge ainsi de toutes nos émotions et du poids de l'Histoire.
    La DS, dans le coin, fait penser à la DS criblée de balles du Petit-Clamart. Les hélicoptères rappellent les allers et retours paisibles de Colombey, quand ce mode de transport remplaça, par souci de sécurité, les trajets en voiture.
    De Gaulle est seul. Dans quelques heures, un million de manifestants remonteront les Champs-Élysées en scandant « De Gaulle n'est pas seul ! ». Mais à l'heure de la photo, ni eux, ni lui n'en savent encore rien. Pour l'instant, il assume sa solitude, celle dont il est familier, celle des décisions dramatiques.
    De Gaulle est en civil. Il aurait pu revenir en militaire, s'il avait fallu impressionner ses concitoyens à la télévision par un retour en force. Mais il va parler seulement à la radio, comme il le faisait de Londres dans la nuit des brouillages. Il a retrouvé assez de confiance pour tenter de retourner la situation, avec les seules armes de la parole, à voix nue.
    L'hélicoptère, garant de secret, garant de liaisons rapides qui créent la surprise, a joué un grand rôle dans sa reconquête de lui-même. Il lui a rendu le sentiment de sa liberté, lui a donné de l'air, lui a fait survoler la France tranquille, lui a restitué le sens du mouvement, et lui a permis d'aller éprouver sur place la solidité de l'armée. Maintenant, le vieux chef tourne le dos à la « civilisation mécanique » ; il s'avance vers nous.
    De son discours, il rumine déjà les formules, comme quand il marche sous les frondaisons de la forêt des Dhuits, ou de long en large dans son bureau. La photo immobilise sa marche. Il est face à nous. Il nous appelle silencieusement.
    Pourtant, nous savons aussi que l'appel de mai 68 n'est pas celui de juin 40. Comment ne pas lire sur cette photo l'image d'un départ, solitaire aussi, résolu aussi ? Arriver, partir, ce sont les mêmes gestes. La photo est équivoque : il y a du départ dans ce retour ; quelque chose de sombre.
    Mais, départ ou retour, victoire ou défaite, foules ou désert, c'est le même homme : l'intensité faite homme. C'était de Gaulle.

    Giscard : « Le gouvernement doit s'en aller »
    Jeudi 30 mai 1968, 13 heures.
    Les radios annoncent que Valéry Giscard d'Estaing vient de réclamer le départ de Pompidou, tout en souhaitant le maintien du Général : « Le gouvernement a été dans l'incapacité de régler la crise. Il doit s'en aller ; en revanche, le Président de la République, qui incarne la légitimité nationale et républicaine, doit rester et c'est autour de lui que doit se rétablir l'État. »
    Certes, j'ai regretté de tout mon coeur le choix qu'a fait le Premier ministre le 11 mai, et qu'il a fait accepter aussitôt au Général, l'entraînant ainsi à se désavouer lui-même. Certes, j'ai trouvé qu'il était long à comprendre que le moteur de la fronde, ce n'était pas l'Université, c'étaient des groupuscules révolutionnaires. Certes, je lui en ai voulu de tenir secrète ma démission quand elle avait un sens, pour la rendre publique quand elle n'en avait plus.
    Mais pendant ces dix-huit jours qui ont suivi son retour, une seule image de l'État a surnagé : la sienne. Sa maîtrise, son bon sens, sa proximité de l'opinion, ont été les seuls éléments qui aient rassuré les Français. Les ministres et leurs ministères semblaient frappés d'impuissance. Les préfets, les recteurs, les procureurs de la République doutaient d'eux-mêmes et de l'État. Partout, la crainte d'agir se muait peu à peu en refus d'obéir.
    L'homme qui donnait cet exemple réconfortant, avec une ténacité pleine de modération, allait-il être remplacé en plein combat, sous la pression des candidats à cette succession ? Seul le chef de l'État avait le pouvoir de prendre librement cette décision. S'il le faisait contraint et forcé, il abandonnerait ce qui lui reste d'autorité. Les groupuscules révolutionnaires le feraient tomber sous leurs coups. Cohn-Bendit, nouveau David, aurait abattu le Goliath de Gaulle !
    Comment l'homme le plus doué de sa génération ne voit-il pas que ce coup porté à Pompidou est un coup porté à de Gaulle ? Que, tant que la crise n'est pas surmontée, ils doivent absolument rester jointifs, pour que la clé de voûte qu'ils forment ensemble ne s'effondre pas et l'État avec eux ?
    Malgré les liens d'estime et de cordialité qui se sont tissés entre

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