Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
vainement.
    Tricot me racontera : « Pompidou m'a appelé. Il était persuadé que je savais où le Général était passé. Il m'a dit : " Je comprends très bien que vous ne vouliez rien me dire si vous avez promis le secret au Général. Mais vous voyez la situation dans laquelle est la France, vous devez me dire au moins que vous savez où il est." Mais j'ai bien dû lui répondre que je n'en savais rien. »

    Les supputations fusent. Pour les uns, le Général a voulu donner à son départ une forme théâtrale. Il a voulu anticiper la chute, pour ne pas avoir à fuir lamentablement, comme Charles X, comme Louis-Philippe. Pour d'autres, il est allé s'enterrer au poste de commandement souterrain de Taverny, pour diriger la reprise en main du territoire. Ou il a rejoint son gendre auprès de sa division à Mulhouse, pour reconquérir la France à partir de l'Est.
    Prépare-t-il « un coup » ? Je n'arrive pas à imaginer d'autre hypothèse que celle-là. Qu'il ait envie de « prendre du champ », d'échapper à l'atmosphère survoltée de Paris, cela lui ressemble. Qu'il veuille semer la panique en faisant croire à son retrait, cela lui ressemble encore plus. Qu'il veuille baisser les bras définitivement, cela ne lui ressemble pas du tout.
    Autour de Pompidou, cet après-midi — crainte ou secret désir ? —, on se convainc que le Général est parti, écoeuré de la veulerie générale ; il ne reviendra plus ; que c'est à Pompidou de s'affirmer maintenant comme le chef, pour faire barrage à la subversion. Un camion de la télévision est installé dans la cour de Matignon en vue d'une allocution que le Premier ministre pourrait prononcer d'un moment à l'autre.
    Mais qui peut savoir au juste ce que le Général a dans la tête, là où il est ?

    « Faire naître le doute »
    Je ne le sais pas plus qu'un autre, et cette disparition m'angoisse comme tout un chacun. Mais j'y reconnais deux traits de comportement si caractéristiques qu'ils me rassurent.
    Le premier c'est le silence : « Garder un silence effrayant. » Combien de fois ai-je entendu ce conseil ! À voir l'effroi qui saisit les cabinets ministériels, puis les radios, puis les gens de la rue, je lis la marque de cette méthode, et une fois de plus, elle se révèle payante.
    « La dissuasion, m'avait-il dit un jour, ne peut pas consister à proclamer : "Notre force atomique est faite pour ne pas s'en servir." La dissuasion exige qu'on fasse naître le doute, et même qu'on persuade l'agresseur éventuel de la probabilité qu'on ne laissera pas envahir le territoire national sans recourir à l'arme suprême. »
    Nous avons voulu les uns et les autres — moi le premier — rassurer les insurgés sur nos intentions pacifiques. « Jamais on ne donnera à la police l'ordre de tirer ! Jamais l'armée n'interviendra ! » Ce que le Général aurait voulu, c'est qu'au lieu de rassurer, nous nous employions à inquiéter. Nous avons tourné le dos à un de ses principes fondamentaux. Et si, une fois de plus, c'était lui qui avait raison ?

    « Ne pas se laisser faire aux pattes »
    Le second principe de son comportement de crise, il l'a mis en oeuvre aussi : « Ne pas se laisser faire aux pattes. » Préserver en toute occasion les moyens d'une libre décision. Cette obsession, les membres de son entourage l'ont autant que lui, même à son insu. Desgrées du Lou 1 a pris des dispositions pour qu'un hélicoptère puisse atterrir sur la pelouse de l'Élysée et repartir avec le couple présidentiel, au cas où l'insurrection menacerait le palais présidentiel. Déjà, en juin 40, le Général avait fait porter à sa femme des passeports diplomatiques en Bretagne, pour qu'elle puisse le rejoindre avec ses enfants. Déjà, au moment du putsch d'avril 1961, il avait donné instruction à l'amiral Cabanier 2 de faire sortir de la rade de Mers-el-Kébir l'aviso commandé par Philippe de Gaulle, pour éviter que des officiers mutins ne le prennent en otage. C'est Philippe de Gaulle qui avait refusé de gagner le large, estimant que son devoir était de rester parmi ses camarades et de les conforter par sa présence.

    Vers 18 heures, on apprend que le Général a rejoint Colombey. Il aurait fait auparavant un crochet par Baden.
    Pompidou s'empresse de faire savoir que le fil qui le lie au Général est intact. Le Général l'a appelé de Colombey pour lui dire que tout allait bien ; sa voix était calme et rassurante. Pompidou ne lui a pas reproché les

Weitere Kostenlose Bücher