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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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dans sa direction. Le ballon grossit à vue d'oeil.
    Une minute avant six heures, on nous fait nous retourner, malgré nos lunettes noires et les compresses que nous retenons avec les mains. Si nous regardions dans la direction de l'explosion, nous risquerions d'être aveuglés par une lumière « équivalente à celle de dix mille soleils». Le compte à rebours commence : dix, neuf... À l'instant zéro, une vive chaleur me brûle la nuque. Ce n'est pas l'onde de chaleur dégagée par l'explosion, qui ne parviendra qu'une demi-minute plus tard, en même temps que le fracas de l'explosion : c'est la chaleur instantanément propagée par la lumière elle-même.
    Quand nous nous retournons, des rougeoiements d'incendie s'éteignent peu à peu. Un champignon s'élève, tout blanc dans le bleu du ciel. Nous le regardons longtemps s'épanouir, puis s'effilocher.
    L'amiral Lorain vient nous annoncer : « Tir parfaitement réussi ; puissance : dix fois la bombe d'Hiroshima. »
    Le Général est dans un état où je ne l'avais jamais vu. Il donne libre cours à sa joie. Lui qui d'ordinaire s'interdit de laisser paraître aucune émotion, il exulte. Il s'écrie d'abord : « C'est magnifique ! » Puis, il me semble l'entendre dire à voix basse, comme se parlant à lui-même : « C' est une résurrection ! » Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire et sur le moment, en présence de mes deux collègues, n'ai pas osé lui demander d'explications.

    « Que nous fassions péter nos bombes à leur barbe, ça leur fait l'effet d'une insulte »
    L'amiral Lorain nous apprend un peu plus tard qu'un prétendu « chalutier » soviétique, évidemment bourré d'appareils électroniques, croisait au large de Mururoa, tandis qu'un avion américain traversait le nuage radioactif que les vents poussent à partir du champignon. En outre, un sous-marin américain ou peut-être anglais est sans doute dans les parages. Ils font des prélèvements pour savoir à quel point nous en sommes dans nos recherches.
    Le Général, toujours imperturbable devant des subordonnés qu'il ne connaît pas, ne répond pas à l'amiral, comme s'il n'avait pas entendu. Un moment après, il dit à Billotte — dont la femme, il le sait bien, est américaine — et à moi :
    « Ils sont tout de même étonnants, ces Anglo-Saxons ! Que les Russes, qui sont nos adversaires virtuels, envoient un prétendu chalutier pour connaître la puissance de nos bombes, on ne peut pas le leur reprocher, ils font leur travail. Mais que nos alliés nous espionnent comme ils le feraient d'un adversaire, c'est un peu fort de café !
    « En réalité, ils sont toujours les mêmes. Pendant la guerre, ils préféraient que Saint-Pierre-et-Miquelon, la Martinique et la Guadeloupe restent à Vichy, au risque de servir d'escales aux sous-marins allemands, plutôt que de les laisser reprendre par la France libre.
    « Pourtant, ils savaient parfaitement que le radiotélégraphiste de Saint-Pierre envoyait sans arrêt des messages à Vichy pour renseigner les Allemands sur la météo et sur les mouvements des navires. Seulement, ils devinaient que si nous mettions la main sur ces îles, elles resteraient françaises ; tandis que si elles étaient fidèles à Vichy, c'est-à-dire aux Allemands, ils pourraient les confisquer, mine de rien, à la fin de la guerre.
    « Aujourd'hui, ils considèrent que le Pacifique est un océan anglo-saxon, avec la Californie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Hong-Kong, Hawaï, Fidji, etc. ; sans compter leurs innombrables satellites, à commencer par le Japon et Formose. Ils ne peuvent pas supporter que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie restent françaises ; ils ont oublié les services qu'elles leur ont rendus pendant la guerre pour renverser le cours des choses dans le Pacifique. Que nous fassions péter nos bombes à leur barbe, ça leur fait l'effet d'une insulte, dès lors que nous n'acceptons pas d'être leur satellite. »

    « Ainsi, nous avons nargué les deux superpuissances symétriquement »
    Un silence, puis il reprend : « C'est plutôt flatteur d'être espionnés par des chalutiers russes et par des avions américains. C'est quand même extraordinaire qu'ils ne puissent pas supporter, les uns et les autres, que nous acquérions les moyens de notre indépendance. »
    Cette nouvelle redouble la bonne humeur du Général. « Ainsi, nous avons nargué les deux superpuissances symétriquement. Chacune essaie de nous espionner. Et aucune ne peut

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