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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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par paraboles. » (Chaque fois que mon propos frise l'irrespect, je rajoute « mon général », en signe de révérence envers le personnage historique.)
    Il persiste et clôt le débat : « De minimis non curat praetor... nec historicus 1 . » Il vient d'inventer la formule pour les besoins de lacause. Son idée est la même pour l'homme d'État ou l'historien : ils ne doivent pas se noyer dans l'accessoire, mais, de haut, embrasser l'essentiel.
    Le Général est là pour faire l'Histoire, pas pour remplir les colonnes des journaux.

    « L'armée, c'est une machine qui tourne... Vos scientifiques ont des états d'âme »
    Au café, je provoque le Général : « Dans le centre d'essais du Pacifique, l'armée et la marine assurent le transport, la logistique, la sécurité. Mais la seule partie utile, ce sont les chercheurs et les ingénieurs du Commissariat à l'énergie atomique, qui préparent les expérimentations, prennent les mesures, font les calculs, fabriquent les bombes. Pourquoi avez-vous donné le commandement à ceux qui ont un rôle secondaire et placé en subordination ceux qui ont le rôle principal ?
    GdG. — Je l'ai fait pour des raisons impératives, figurez-vous. D'abord, parce qu'après l'affaire d'Algérie, il fallait donner à l'armée un but qui la rassemble et qui l'incite à se moderniser. Et puis, les militaires ont le sens de la discipline. Si l'un fait défaut, un autre sort immédiatement de l'ombre pour le remplacer. L'armée, c'est une machine qui tourne ; toutes les pièces de rechange sont là.
    AP. — Il me semble que cette machine vit sur elle-même. On pourrait appliquer à ce centre d'essais la parabole de Saint-Simon. Vous avez deux cents chercheurs du CEA pour cinq mille militaires. Supprimez les deux cents chercheurs, il n'y aura pas d'essai. Supprimez les cinq mille militaires, les essais se dérouleront quand même.
    GdG (il n'embraie pas sur la parabole). — Peut-être qu'il y a un peu trop de militaires, en effet. Notamment, la Légion. Mais ne vous faites pas d'illusions sur vos scientifiques ! Ils ont des états d'âme. On n'est jamais sûr qu'ils iront jusqu'au bout. Ce sont des individualistes, quand ce ne sont pas des esprits forts. Ils n'aiment pas s'insérer dans une hiérarchie. Ils sont velléitaires. On ne peut rien faire sans eux, mais on ne peut pas vraiment compter sur eux. »

    À bord du De Grasse, deuxième jour, samedi 10 septembre 1966.
    Tôt le matin, j'ai une longue conversation avec lui sur les éventualités politiques de l'année prochaine 2 .
    Avant le déjeuner, le Général dit à Messmer devant moi : « Tousces marins font bonne impression. Ils ont l'air patriotes et ardents... Ils reviennent de loin. Heureusement, il y avait, pendant la guerre, l'École navale de la France libre. Elle était en mer, on ne s'y perdait pas en théories, on y apprenait à se battre. Et puis, elle ne mijotait pas dans le jus de la marine de Darlan, la marine de Gensoul qui a préféré se faire écraser dans la souricière de Mers-el-Kébir plutôt que d'aller s'embosser à Fort-de-France comme le lui proposaient les Anglais, la marine de Godfroy qui s'est empaillée à Alexandrie, la marine de Laborde qui s'est sabordée à Toulon. »

    Amiral Lorain : « Tir réussi, dix fois la bombe d'Hiroshima »
    À bord du croiseur De Grasse, troisième jour, dimanche 11 septembre 1966.
    5 heures du matin. Le commandant Besnault me réveille en tapant à la porte de fer de ma cabine : « Cette fois, c'est bon, météo excellente, vents calmes, tir dans une heure. Rendez-vous sur le pont avec le Général dans une demi-heure. »
    Une demi-heure après, le Général, Pierre Messmer, Pierre Billotte 3 et moi, revêtons une combinaison spéciale. On nous précise qu'à dix kilomètres (on ne nous fait pas prendre de risques), elle nous protégera d'éventuelles retombées.
    Nous voilà sur la passerelle de commandement. Pas un nuage dans le ciel. La lueur rose à l'est se fait de plus en plus vive, puis le disque du soleil apparaît, rasant les flots apaisés. Le croiseur avance de toute la puissance de ses moteurs. En quelques minutes, les vagues sont passées du noir au bleu de nuit, puis au bleu turquoise. La lumière irise leur crête.
    À la jumelle, on aperçoit le ballon captif, en forme de dirigeable, auquel est suspendue la bombe. On distingue la nacelle, et même les câbles qui retiennent l'engin et qui, dans quelques minutes, vont se volatiliser. Le croiseur fonce

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