C'était de Gaulle - Tome II
veut pas s'arrangeravec vous. Il cherche à vous rouler." Ils ont ainsi prolongé la guerre d'Algérie d'au moins un an, pas loin de deux, car ça mettait les Algériens en défiance. Par exemple, à Melun, on n'a pas pu engager véritablement la conversation. Ça a entretenu un état d'esprit déplorable. C'est la même chose maintenant pour le Marché commun. Ils souhaitent ardemment que la France ne puisse pas l'emporter (il tape sur la table). Ils seront navrés, désespérés.
AP. — Cet état d'esprit n'existe pas chez nos partenaires. On dirait qu'ils appliquent le principe anglais : "Right or wrong, my country " 5 .
GdG. — Nos partenaires ont une certaine discipline nationale, même s'ils sont dans l'opposition. Sur un problème international, même s'ils sont en désaccord, ils font bloc. Cette débandade n'existe que chez les Français. Jamais un conservateur anglais ne dira du mal de son gouvernement travailliste à l'étranger, et réciproquement.
« Chez nous, ce n'est pas une manie, c'est un vice. C'est la raison pour laquelle, d' ailleurs, le régime d'assemblée et le règne des partis, c'est impossible en France. On ne peut pas laisser gouverner les partis. Les partis sont anti-France, automatiquement.
AP. — C'est antérieur ! Condé, c'était avant les partis.
GdG. — Bien sûr. Condé s'alliait avec l'étranger. La Ligue allait chercher les Espagnols. Les protestants allaient chercher l'Empire. Les Vendéens allaient chercher les Anglais. Et du temps de Vercingétorix, des tribus gauloises trahissaient déjà au profit de César. C'est un vice national. Il y a une rééducation à faire de la Nation. Seulement, comme la mauvaise éducation a pris des centaines d'années, la rééducation sera longue. »
« Plus ils pataugent, mieux ça va »
Salon doré, 22 janvier 1964.
AP : « Y a-t-il du vrai dans le bruit qui court les salles de rédaction, selon lequel vous recevrez Chou En-lai à Paris ?
GdG. — Les journaux prêchent le faux pour savoir le vrai. Ils espèrent que je vais démentir. Je les ignore. C'est la meilleure tactique. Qu'ils inventent n'importe quoi, aucune importance. »
Au Conseil du 6 mai 1964, Pierre Maillard devient secrétaire général adjoint de la Défense nationale : certains journaux présentent déjà cette nomination comme une disgrâce du général Fourquet et du général Ailleret 6 .
GdG : « Ces bruits sont absurdes. Faut-il les démentir ? »
Le Général, qui ne veut jamais démentir les journaux pour lui, est prêt à enfreindre ses propres règles pour une fausse nouvelle qu'il juge désobligeante à l'égard de deux grands chefs militaires. Pompidou et Messmer font un geste d'indifférence.
Après le Conseil, le Général me donne des instructions inhabituelles : « Dites que ça n'a pas l'ombre d'un fondement. Ce sont les Anglais qui ont inventé ça, pour faire croire qu'il y a de la zizanie. C'est leur spécialité de lancer des canards. »
Salon doré, 21 mai 1964.
AP : « Vous auriez renoncé à votre voyage en Amérique du Sud ?
GdG. — Mais non ! Je n'ai pas changé d'avis.
AP. — L'Express de ce matin dit qu'il tient de source sûre...
GdG. — Il peut dire ce qu'il voudra, je ne veux pas en faire mon témoin... Je ne le lis jamais, et je vous engage à en faire autant.
AP. — Mais c'est ma fonction de m'occuper des journaux !
GdG. — Pour ce qu'ils vous apprennent ! En tout cas, ne démentez pas. Plus ils pataugent, mieux ça va. Ils racontent des bobards, ils se démonétisent. »
Pourquoi a-t-il voulu réagir sur le rapport de la Cour des Comptes et sur les deux généraux, mais non sur Chou En-lai ou l'Amérique du Sud ? Je crois enfin deviner. Dans les premiers cas, il a voulu défendre l'État et deux de ses bons serviteurs contre des attaques pernicieuses. Dans les derniers cas, les faits démentiront d' eux-mêmes.
« Pas de photographes à Colombey »
Salon doré, 29 juillet 1964.
J'indique au Général que plusieurs grands magazines d'Amérique du Sud souhaiteraient, avant son arrivée, faire un numéro spécial sur lui, avec un reportage photographique. Ils se sont mis en pool. Un seul photographe suffirait. Ils souhaiteraient que ce ne soit pas à l'Elysée, mais à Colombey. Le Général refuse net. Pas de photographes à Colombey ! J'insiste.
GdG : « Non, vraiment ! J'en fais une question de principe. Ma famille, c'est ma famille. On ne mélange pas. C'est une espèce de toxique, cette manie de la
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