C'était de Gaulle - Tome II
cardinal comme Tisserant se laissera influencer ?
GdG (rire). — Peut-être pas celui-là. Mais ce ne sera pas la première fois que la France s'intéressera à une élection papale. De tout temps, sous nos monarchies comme sous nos Républiques, la France a joué son jeu dans cette élection. Il n'y a pas de raison de nous en abstenir. »
Au Conseil du 19 juin 1963.
Couve : « L'Église va-t-elle continuer à se moderniser et à s'ouvrir vers l' œcuménisme, ou se replier vers le passé ? Les huit cardinaux français ont beaucoup de prestige, en raison de la grande valeur intellectuelle du clergé français. Tout le monde considère qu'ils ont un rôle très important à jouer pour que la ligne de Jean XXIII ne soit pas interrompue.
« Pronostics ? Montini est celui dont on parle le plus. Il pourrait fournir un compromis entre ceux qu'on appelle "les libéraux" et "les intégristes ".
« Jean XXIII s'abstenait de toute immixtion dans la politique italienne, alors que Pie XII était l'inspirateur de la démocratie chrétienne. Les Italiens marquent curieusement leur préférence pour un cardinal étranger, moins aisément porté à s'occuper de la politique italienne. »
Au Conseil du 25 juin 1963, Couve rend compte de l'élection du pape. Montini a été rapidement élu et a pris le nom de Paul VI.
À Matignon, le mardi matin 2 juillet 1963, Pompidou paraît tout émerveillé au retour de son voyage à Rome: « Le pape nous a entourés d'égards. Il est resté trois bonnes minutes avec nous. La France était en tête des États, aussitôt après les princes. Son rôle de fille aînée de l'Église est confirmé. Le pape m'a dit ce qu'il doit à la culture française. Il a tout appris dans des livres français. Il lit la Revue des Deux Mondes et Le Figaro. Il a rendu un hommage appuyé au général de Gaulle.
« Dans son discours aux délégations étrangères, il a parlé uniquement en français. Il y avait autour de lui une nuée d'Africains, tous français (sic), gonflés de fierté. Il n'y a que la France sur terre! » (On sent une flamme se mêler à l'ironie.)
« L'Église ne nous est pas tellement reconnaissante de ce que nous avons fait pour elle »
Conseil du 16 septembre 1964.
GdG: « Que pensez-vous, Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, de ce projet d'emprunt pour les écoles privées, avec garantie de l'État ? (Il sait très bien ce que pense Fouchet, mais il veille toujours, sur les affaires importantes, à ce que les ministres puissent exprimer un désaccord devant leurs collègues.)
Fouchet. — Rien de bon. Il faut craindre de vives réactions dans mon ministère. L'État a fait depuis cinq ans un effort pour l'école privée qui ne s'était jamais fait. L'aide à l'enseignement privé est passée, des 5 milliards d'anciens francs de la loi Barangé, aux 100 milliards de la loi Debré. Cette mesure nouvelle modifierait l'équilibre avec l'enseignement public.
Pompidou (vivement). — Nous faisons aussi un effort fantastique pour l'enseignement public. Qu'on ne parle pas de limitation abusive de ses crédits! Ce n'est pas plus exact dans la bouche du ministre de l'Éducation nationale que dans celle des syndicats. La conception du ministère envers l'enseignement privé est celle des syndicats : "Je le tolère, en attendant qu'il meure." On ne tient pas compte du contrôle très sérieux qu'on impose à l'enseignement privé, et qui en fait un enseignement semi-public, lequel coûte cependant infiniment moins à l'État que l'enseignement public.
GdG. — Je me demande si c'est tellement urgent. C'est finalement le MRP qui s'arrange pour en profiter. L'Eglise ne nous est pas tellement reconnaissante de ce que nous avons fait pour elle. Enfin, disons-nous, pour n'avoir pas de remords, que c'est pour l'intérêt général que nous l'avons fait.
Pisani. — Le ministre de l'Éducation nationale va supporter à la fois le poids de la réforme de l'enseignement et cette affaire de l' enseignement privé. Il va subir la conjonction des attaques contre lui. Le cumul de la charge sera insupportable.
GdG (conclut sèchement). — Non! On reporte cette affaire à plus tard. »
Le ton est sec, comme pour imposer silence à Pisani, alors même qu'il lui donne satisfaction. Mais sachant fort bien qu'il va déplaire à Pompidou, le Général ne veut pas lui donner en plus l'impression que le plaidoyer de Pisani a pu compter dans sa décision. Elle était sans doute prise avant
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