C'était de Gaulle - Tome II
les décisions prises, chiffres et détails techniques à l'appui. Il n'a aucun papier sous les yeux. Malgré tant d'exemples, je suis toujours aussi étonné de cette précision dans la synthèse, alors qu'il n'a pris aucune note au cours du Conseil, et que ce n'est tout de même pas sa spécialité.
« Ils sont hypnotisés par le service courant. Moi, pas »
Salon doré, 8 avril 1964.
AP : « Alors, vous pensez accorder bientôt audience à la FNSEA ?
GdG. — Je leur ai écrit : oui, si vous restez tranquilles. Ils savent ce que ça veut dire. Alors, pendant quinze jours, nous allons les observer. Je verrai à l'Assemblée d'abord, sur les routes ensuite, s'ils veulent emmerder le monde. Mais s'ils se tiennent tranquilles, je n'ai pas de raisons de ne pas les recevoir, pour parler de l'avenir de l'agriculture. Je les ai déjà reçus, je peux bien recommencer.
AP. — Mais vous n'étiez pas Président de la République, vous étiez Président du Conseil, à Matignon.
GdG. — Qu'est-ce que ça fait ? C'était toujours moi. »
Le Général ne fait jamais de différence entre ce qu'il fut et ce qu'il est devenu. À partir de 1940, il est la légitimité, qu'il emporte partout avec lui. « Vous n'obtiendrez jamais, m'a dit un jour Pompidou avec amusement, que de Gaulle distingue dans sa personne le chef de la France libre, le chef du gouvernement provisoire, le chef du RPF, le Président du Conseil de la IV e , le Président de la V e . Il est un seul et même homme. Il est la France. »
Salon doré, 6 mai 1964.
AP : « Finalement, les agriculteurs, vous allez les recevoir ?
GdG. — Rien de nouveau. Je n'ai pas besoin de leur parler, moi. Ce sont eux qui ont demandé à être entendus. Qu'ils disent donc ce qu'ils ont à dire, mais seulement s'il s'agit de l'avenir de l'agriculture française, et qu'ils me foutent la paix avec le prix du lait! Ils sont hypnotisés par le service courant. Moi, pas.
« En réalité, ils n'ont pas à se plaindre. Étant donné la loi d'orientation,la loi complémentaire, le soutien des prix, le FORMA, les SAFER, le SIBEV, étant donné qu'on force le Marché commun à prendre en charge l'agriculture, et que nous tenons bon devant les Etats-Unis pour ne pas être submergés par les produits américains... non vraiment, les agriculteurs n'ont pas à se plaindre. La meilleure manière de leur venir en aide, c'est de défendre l'agriculture à Bruxelles et dans le Kennedy Round. C'est le service que nous lui rendons. Nous engageons tout notre crédit pour ça. Et ils n'en sont même pas conscients! »
« L'idée d'arroser tout le monde est une idée de démagogues »
Le Général, après les avoir lanternés de longues semaines, a enfin donné audience aux chefs du syndicalisme agricole. Il les a écoutés, mais il paraît surtout content d'avoir pu se faire entendre.
Conseil du 13 mai 1964.
GdG : « J'ai donc vu les agriculteurs, disons le président, le secrétaire général et l'adjoint de la FNSEA. Nous ne nous sommes pas appris grand-chose. Leur exposé est réaliste dans l'ensemble.
« Il n'a pas été question de fixer les prix. Il a surtout été question, de ma part et presque aussi de la leur, des structures. Ils conviennent de la nécessité d'une restructuration de l'agriculture. C'est sain et c'est raisonnable : développement des SAFER 1 , du Fonds d'action sociale; meilleur aménagement des exploitations en vue de leur rendement, etc. L'idée d'arroser tout le monde et d'augmenter les prix est une idée de démagogues; ils en sont convenus. »
Conseil du 3 juin 1964.
Pisani: « Je ne sais, mon général, si c'est un effet de l'audience que vous avez accordée à leurs dirigeants, mais les agriculteurs comprennent de mieux en mieux qu'il faut changer les méthodes, organiser les marchés. Des progrès substantiels sont en cours. Nous sommes en train d'entrer dans la voie des réformes et de l'organisation économique. »
Pisani fait adopter le principe d'un certain nombre de mesures, notamment une réorganisation du marché de la viande.
GdG : « Il ne faut pas dire que toutes ces décisions sont la suite de la visite qui m'a été faite ici, sans quoi toutes les organisations de France vont avoir un prurit d'audiences! Je ne m'en sortirai pas ! »
Après le Conseil, le Général se montre confiant dans les réformes de structures : « Vous pouvez dire qu'elles sont déjà bien engagées,qu'un mouvement favorable des esprits peut se percevoir, et que
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