C'était de Gaulle - Tome II
annonce que la récolte de vin sera inférieure à celle de l'an dernier.
GdG : « Bonne nouvelle ! Puisqu'une trop bonne récolte est une catastrophe, une moins bonne est une aubaine. »
Pisani, sans répondre, expose deux idées qui lui sont venues depuis le dernier Conseil : développer les appellations contrôlées ; simplifier l'organisation des marchés : aujourd'hui, il faut être un professionnel pour y comprendre quelque chose.
GdG. — Comme toujours, dans les systèmes compliqués, il y a des gens qui trouvent leur compte, ce sont les initiés. Pourquoi ne pas simplifier ce qui est compliqué ? Au lieu de trouver plus simple de ne pas y toucher ? »
Pisani esquisse des mesures d'incitation à la qualité.
GdG : « Le sujet n'a jamais été conduit et dominé. Il n'y a eu que des palliatifs. Ne doit être produit que ce qui se vend. Le vin de qualité se vend et même se vend très bien. Le vin de mauvaise qualité ne se vend pas. Le règne de la piquette, c'est fini !
Pisani. — Il y a dans ce domaine une inertie considérable. Une vigne tient quarante ou cinquante ans, ce qui rend très difficiles les infléchissements de la politique.
GdG. — J'ai toujours entendu parler d'arrachage. Il y a plus de vin que jamais. C'est une question de volonté. C'est de ça que nous avons manqué jusqu'à présent.
«Nous avons du mauvais vin et nous ne savons qu'en faire.
Acheter ces mauvais vin pour faire de l'alcool, c'est le procédé le plus fâcheux. Vous subventionnez le vice! Il faudra régler la question dans son ensemble. »
Ce sera fait. Au moins une question dont on n'entendra plus parler.
« L'État ne peut pas mettre tous les Français à l'abri de tous les risques »
Conseil du 27 novembre 1963.
Pisani présente le projet de loi sur les calamités agricoles.
GdG: «Que pense de ce texte le ministre des Finances? (Le Général espérait visiblement que celui-ci en pensait du mal.)
Giscard. — Nous l'avons fait ensemble.
GdG. — Comment définit-on les calamités agricoles ?
Giscard. — La grêle et le gel sont déjà assurables.
GdG. — Les agriculteurs vont y faire entrer aussi le mauvais temps.
Pisani (cherchant une ligne de fuite technique). — C'est la police d'assurance qui définit les conditions d'assurabilité.
Pompidou (affrontant le Général sur le terrain du bon sens). — Les agriculteurs ont ceci de particulier qu'ils s'adonnent à une activité qui dépend du temps.
GdG. — Le tourisme aussi dépend du temps ; les transports routiers, les transports maritimes, les transports aériens aussi dépendent du temps. Ce n'est pas une raison pour que l'État les mette à l'abri du risque. L'État ne peut pas mettre tous les Français à l'abri de tous les risques.
Pompidou. — Non, mais il faut une incitation à l'assurance. Pour que l'intervention de l'État s'atténue et finisse par disparaître.
Giscard. — Tous les bénéficiaires de la loi devront être assurés ; on ne remboursera que ceux qui seront assurés.
GdG. — C'est dangereux de dire qu'on fera l'avance...
Pompidou (du ton de celui qui revendique ses prérogatives). — Laissez-moi régler ce point, mon général. Je verrai. C'est un problème technique.
GdG (insiste). — Faites attention, protéger contre tous les risques pourrait nous mener très loin. »
Lui, c'est la prise de risque qui l'a mené loin...
1 Le Général, pour le calcul mental, compte toujours en anciens francs.
Chapitre 10
« MONSIEUR LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE, VOUS N'ÊTES PAS MINISTRE DES AGRICULTEURS »
Conseil du 25 mars 1964.
Le Conseil doit fixer le prix de la viande. Un Conseil restreint a déjà arrêté le principe d'une augmentation de 4 %, que le Général annonce, de manière à marquer que la décision est prise et que le ministre ne parle que pour la forme. Il sait que Pisani va plaider — contre Giscard, Pompidou et lui-même — pour une forte augmentation.
« M. Pisani va se trouver aux prises avec les dirigeants agricoles, comme s'il y avait encore quelque chose à faire pour changer cette décision. Vous répondrez de tout, et même des entourloupettes.
(Il veut probablement le mettre en garde contre toute indiscrétion à la presse sur la manière énergique dont il a défendu le dossier, face à un Conseil des ministres qui lui était hostile.)
Pisani. — Mon général, je suis pris entre plusieurs feux... Je suis accusé à Bruxelles de défendre des prix agricoles trop bas, et à Paris par
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