C'était de Gaulle - Tome II
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GdG. — Si vous voulez. C'est l'ONU qui a changé, ce n'est pas nous. L'ONU nous aime parce que le tiers-monde nous aime, depuis la fin de la guerre d'Algérie, alors qu'il nous était hostile. Par le fait que l'influence américaine s'atténue. Par le fait que, comme l'ONU n'a plus d'argent, elle ne peut plus faire d'interventions militaires et qu'elle a été obligée d'arrêter celle du Congo. Mais elle n'a pas dit qu'elle ne ferait jamais plus d'intervention. D' ailleurs, l'ONU, ce n'est pas U Thant. U Thant, c'est un fonctionnaire. L' ONU, c'est les Etats. Et d'abord, les permanents.
« Il y a avantage à ce que tous les États du monde aient un endroit où ils discutent le coup. C'est dans cet esprit que nous avons fondé l'ONU. Nous étions cinq. Un qui s'appelle Roosevelt. Un qui s'appelle Staline. Un qui s'appelle Churchill. Un qui s'appelle Chiang Kai-shek. Un qui s'appelle de Gaulle. C'est nous cinq qui avons élaboré la Charte de San Francisco.
(Pour chacun, il emploie le présent, qu'ils soient vivants ou morts. Roosevelt et Staline ont disparu depuis de longues années. Churchill ne vaut pas beaucoup mieux. Chiang Kai-shek a trouvé refuge dans une île. Seul de Gaulle, parmi ces pères fondateurs, brille de tous ses feux.)
« Si je voulais y aller avant de mourir, j'irais sans prévenir »
AP. — Vous n'excluez pas d'y aller ?
GdG. — Oh, il faut être extrêmement réservé ! Peut-être, l'an prochain, je demanderai à Pompidou d'y aller. De toute façon, si un jour je voulais y aller avant de mourir, j'irais sans prévenir. Toutà coup, on dirait : "Il est parti pour New York" et alors, je déboucherais à l' ONU. »
Il a au bout des doigts la dramaturgie de cette séance, de cette entrée en scène. Il s'y voit. Peut-être a-t-il déjà en tête le schéma de son discours.
Mais il n'ira pas, ni en 1965, ni plus tard ; il n'y enverra pas son Premier ministre non plus — seulement son ministre des Affaires étrangères. Et pourtant un triomphe, en octobre 1965, aurait pu lui être utile.
« Comme une goutte d'eau à une autre»
Au Conseil du 6 octobre 1965, Couve rend compte de son intervention devant l'Assemblée générale de l'ONU — la première fois depuis 1960 que le chef de la diplomatie française y prenait la parole.
Il poursuit en évoquant avec chaleur un autre orateur, le pape Paul VI, dont l'allocution, prononcée en français, a été accueillie dans une atmosphère unanime de respect. Couve interprète le choix du français comme un geste, non seulement à l'égard de la France, de la Belgique ou du Canada, mais à l'égard des pays francophones d'Afrique, où le catholicisme joue un rôle considérable.
Après le Conseil, le Général me dit : « Couve s'emballe pour le pape, sans doute parce qu'il est parpaillot: il revient de loin. Ne vous étendez pas sur ce discours, le français a toujours été la langue internationale du Vatican, et Paul VI le parle parfaitement, alors qu'il baragouine l'anglais. Il n'avait pas le choix.
« Ce qui est vrai, en revanche, c'est que le contenu du discours du pape ressemble, comme une goutte d'eau à une autre, à tous les discours que je peux faire à travers le monde. »
Particulièrement, au discours que lui, de Gaulle, aurait pu faire devant cette même ONU...
LA FRANCE D'OUTRE-MER
1 Kasavubu, Président de la République du Congo-Léopoldville.
Chapitre 2
« CE NE SONT QUE DES POUSSIÈRES DANS L'OCÉAN »
Élysée, 9 janvier 1963.
Après un Conseil restreint consacré aux départements d'outre-mer, le Général paraît sombre : « Vous avez entendu ce qu'a dit Perreau-Pradier 1 sur les élections à La Réunion ? "On s'est dit beaucoup d'horreurs, mais il y a eu peu d'horreurs." Il n'y a eu "aucun blessé parmi les forces de l'ordre", ce qui suppose qu'il y a en eu dans la population. On truque les élections... Le service militaire est un remède à la sous-alimentation. L'armée commence par nourrir les appelés pour qu'ils prennent le poids voulu. C'est lamentable, au bout de trois siècles de colonisation et de dix-huit ans de départementalisation.
« Aux Antilles, ça ne va pas mieux. Leur grande revendication, c'est pour les allocations familiales. Si on les met au niveau de la métropole, alors qu'elles sont pour le moment au quart, ils ne vivront plus que pour la braguette 2 , ils vont avoir une natalité de clapier. Et nous allons au-devant de troubles, si nous refusons l'égalité, puisque nous leur
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