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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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je reviens. Cette réalité qui monte, cette réalité pleine de grandeur, qu'on ne s'en prive pas quand on a la chance d'y appartenir ! Maintenons-la ! Faisons-la fructifier!
    « Nous sommes à notre époque. Vivons-la avec notre bon sens et avec notre foi. Ne nous laissons pas entraîner par la vanité des mythes. Le sentiment que la population a manifesté aujourd'hui, on n'a le droit ni de le tromper, ni de le trahir. C'est la voie que la France choisit ici, de manière à servir les hommes, pour leur prospérité, leur rayonnement et leur progrès. »
    Il reste encore du temps avant le démarrage : le Général est toujours en avance. Je le questionne sur sa rencontre avec Ben Bella, à la veille de son départ pour le Mexique 7 . Enfin, l'aide de camp ouvre la porte. Rassemblement de personnalités dans le vestibule de la villa. Civilités. Le Général entraîne Jacquinot et moi dans un coin, nous fait asseoir et nous parle du Mexique 8 .
    À 9 heures 30, l'aide de camp lui fait signe.
    Le Général tient à remercier non seulement ses hôtes, qui lui ont cédé leur maison pour la nuit, mais, comme il en a l'habitude, le personnel aligné sur le seuil de la maison ; il a un mot pour chacun. Aucun de ces Guadeloupéens n'oubliera jusqu' à son dernier souffle ces secondes où le Général lui a « touché la main ». Les Guadeloupéennes lui baisent la main, comme elles font à leur évêque.
    Alors commence à la Guadeloupe, de commune en commune, une étourdissante farandole, auprès de laquelle les tournées en province sont de pâles promenades. Au champ d'Arbaud, à Basse-Terre,le Général, devant une foule d'ébène, commence d'une voix forte : « Mon Dieu, comme vous êtes Français ! » Dès la première phrase, le ton est donné. « L'intégration », refusée aux Algériens, est proclamée aux Antilles.

    « Ils sont tous directeurs... »
    Cayenne, 21 mars 1964.
    Après la Guadeloupe, la Guyane. L'enthousiasme n'y faiblit pas.
    Sur l'escalier en bois de la vieille maison coloniale qui sert de préfecture, un couple attend sur chaque marche. En haut, le Général serre les mains de ses invités — les notoires, comme il les appelle. L'huissier « aboyeur » annonce :
    — Monsieur le directeur départemental de l'Enregistrement et Madame...
    — Monsieur le directeur départemental des Archives et Madame... Etc.
    Le Général se penche vers moi entre deux poignées de main: « Ils sont tous directeurs! » La Guyane, ce sont trente-cinq mille habitants, dont dix mille vivent au fond des forêts. Mais on y retrouve exactement les mêmes directions et subdivisions que dans n'importe quel département métropolitain ; un microcosme administratif, transplanté sous les palmiers et resté intact, tel un château-fort médiéval reconstruit pierre à pierre en Californie.

    Préfecture de Fort-de-France, 22 mars.
    Nous voici en Martinique, au milieu d'un enthousiasme croissant. C'est là que, finalement, devant les parlementaires, dans le bureau du Préfet, il fait la déclaration, mot à mot, qu'il m'avait dictée.
    Mais elle me laisse perplexe. N'est-ce pas une erreur de graver dans le marbre, comme déclaration officielle, ce qui a une utilité tactique devant des parlementaires prêts à tourner selon le vent ? Il a commencé par un solennel: « Écoutez-moi bien. » Mais aucun d'entre eux n'a pris de notes. Si plus tard ils font écho à ses propos, on pourra toujours prétendre qu'ils ne les avaient pas bien compris. Mais si je reproduis ces propos officiellement, le Général ne pourra plus se dédire.
    Est-ce le sentiment de ce qu'a eu d'étrange la situation à Cayenne, qui avive mon inquiétude? Je ne peux m'empêcher de penser à ce « Vive l'Algérie française » qu'il a prononcé à Mostaganem et qu'on n'a cessé de lui reprocher depuis lors. Ne vaut-il pas mieux éviter qu'il s'engage devant l'Histoire, si sa position doit évoluer comme elle a évolué sur l'Algérie, ou sur la Communauté franco-africaine?
    Je me convaincs qu'il faut retenir ce texte. Burin des Roziers etFoccart 9 abondent dans mon sens. Ils me conseillent de ne pas lui en parler. Il risque de me confirmer ses instructions, et plus tard de s'en repentir : « Vous avez les plus fortes chances, ou bien qu'il oublie l' affaire, ou bien qu'il ne remarque pas l'absence de ce texte dans la presse. »

    « Il faut caser les enfants »
    Au Conseil du 25 mars 1964, Jacquinot rend compte de l'accueil des Antilles, « extraordinaire

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