C'était de Gaulle - Tome II
son pays jouissent, dans ce « machin » qu'il n'a cessé de brocarder ?
Les votes à l'ONU confirment les impressions de Seydoux. Au Conseil du 23 octobre 1963, Couve annonce que, pour chaque élection aux différents postes par l'Assemblée générale, le candidat français récolte une quinzaine de voix de plus que les suivants.
Le Général me dit après le Conseil: « C'est ce qu'on appelle l'isolement de la France. En réalité, c'est à cause de notre résistance à l'hégémonie américaine. »
« Nous ne payons pas la cotisation, ce serait une monstruosité »
Salon doré, 2 décembre 1964.
La France est sans cesse relancée pour un « arriéré » qu'elle aurait vis-à-vis de l'ONU.
AP : « Alors, nous refusons toujours de payer ?
GdG. — Ce serait une monstruosité ! L' ONU a fait une opération au Congo belge à laquelle nous étions opposés. Nous n'avons pas mis notre veto, mais en précisant que nous la désapprouvions et ne la paierions pas. C'était une opération des Américains par l'intermédiairede toutes sortes de Guinéens, d'Égyptiens, d'Abyssins et autres, qu'ils ont envoyés sur place en les payant les yeux de la tête. L' ONU a complètement perdu la face au Congo. Alors, pourquoi irions-nous payer pour cette connerie-là ? Mais non ! Elle n'est pas conforme à la Charte, qui interdit d'intervenir dans les affaires d'un État faisant partie de l'ONU, ce qui est le cas. C'était une ingérence caractérisée ! Les Soviets, d'ailleurs, ont pris la même position. »
Après le Conseil du 28 avril 1965 , le Général me dit : « C'est quand même curieux, pour cette affaire de l'ONU, que nous soyons avec les Russes contre les Américains. Les Américains veulent brandir contre nous l'article 19 de la Charte et nous priver du droit de vote. » (Rire.)
La situation l'amuse. Elle l'amusera davantage encore quand, en août, faute de pouvoir réunir une majorité contre la France et l'Union soviétique, Washington fera marche arrière.
« C'est l'ONU qui a changé, ce n'est pas nous »
Au Conseil du 22 juillet 1964, sur la visite d'U Thant, qui est venu à Paris rencontrer de Gaulle :
GdG : « C'est un homme de qualité, qui n'est ni du monde occidental, ni du monde communiste. Il est vraiment du tiers-monde, dont l'avènement est l'espoir de sa vie.
« Selon lui, la prééminence des États-Unis à l'ONU tend à disparaître et la répartition du monde en deux camps aussi.
« Je ne lui ai pas caché que nous approuvons l'ONU comme forum, à condition qu'il y ait à sa tête les grandes puissances qui disposent à la fois des moyens et des responsabilités mondiales. Nous lui contestons le droit d'être un instrument d'action. C'est exclu par sa propre Charte. Aux États-Unis de payer, puisqu'ils sont à l'origine de toutes les opérations faites pour le compte des Nations Unies. C'est pas les moyens qui leur manquent.
« Les causes de désaccord ont disparu : l'Algérie, les interventions actives de l'ONU que nous désapprouvons. Il voudrait que nous participions davantage et que je m'y rende pour le vingtième anniversaire, en 1965. Il assure que je serais reçu en triomphe. J'ai été très réservé. »
À l'issue du Conseil du 22 juillet 1964 , le Général m'avoue qu'il a été frappé par l'insistance avec laquelle U Thant a souligné devant lui l'effacement de l'hégémonie américaine à l'ONU. « La France, au contraire, tient une place de premier plan, du fait de sa politique de refus des blocs, d'indépendance, de décolonisation,d'aide aux pays sous-développés, de recours systématique aux procédures pacifiques plutôt que militaires. Je sais bien qu'U Thant cherche à nous séduire...
« Les journaux parlent de ma réconciliation avec l'ONU. C'est très excessif. Il est certain qu'Hammarskjöld était un adversaire ; U Thant n'en est pas un. Hammarskjöld était tiers-mondiste par idéologie. U Thant, par nature. Ça fait toute la différence. Il reflète le sentiment du tiers-monde à notre égard. L'autodétermination, l'indépendance nationale pour tous les pays, petits et grands, cette politique convient aux pays sous-développés.
« Mais l'ONU, ce n'est pas seulement le tiers-monde. C'est l' argent, l'argent américain. On couvre tout le monde de dollars, y compris le malheureux Ghanéen qu'on envoie comme planton devant la case de Kasavubu 1 .
AP. — Je laisse entendre que nous fondons quelque espoir sur l'évolution nouvelle de l'Organisation
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