Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
voulu aller coucher ailleurs. Voilà pourquoi il n' a pas souhaité d'accueil, et pourquoi la visite n'est censée commencer que le vendredi 20 au matin.
    Arrivé de Paris à 4 heures du matin, je finissais de me raser à la sous-préfecture, quand j'apprends qu'il veut me voir d'urgence. Il est en uniforme kaki, sa tenue d'image d'Épinal. Il la portait au Mexique ; il la garde pour les Antilles : dans ces terres lointaines, si sensibles à la légende, il ne se met pas en civil. C'est l'homme de la France libre qui vient parler de la France et de la liberté. Il me pose quelques questions : « Que se passe-t-il à Paris ? Que dit-on ? » Il m'interroge sur le statut de la RTF, et les informations que je lui apporte ne pouvaient que l'irriter 5 . « Nous en reparlerons. » Toujours, la même maîtrise à hiérarchiser les sujets, à domestiquer son humeur...
    Il a repris sa sérénité : « Voyez-vous, je vais crever l'abcès du séparatisme ou de ce qu'ils appellent l'autonomisme, parce que tous ces comploteurs n'osent pas appeler les choses par leur nom.Ça suffit comme ça, ces velléités d'indépendance ! Les Antillais ont bien de la chance d'être Français. Qu'ils ne la gâchent pas ! C'est le centre d'intérêt de ce voyage. Il faut dissiper les analogies trompeuses avec l'Afrique. S'il faut en découdre avec Césaire et avec les disciples de Fanon 6 , nous irons au référendum. Il ne faut pas reculer. Le moment est venu d'être clair. Le mieux ne serait-il pas que vous vous asseyiez et que vous preniez note ? (Les pharaons usaient-ils d'une aussi exquise courtoisie quand ils parlaient à leur scribe accroupi ?) Aujourd'hui, je vais dire en substance ceci aux parlementaires, dans le bureau du préfet, à moins que je décide de le réserver pour Fort-de-France. Je verrai, selon le climat. »

    « On ne bâtit pas avec des poussières »
    Il me dicte lentement un texte qu'il a visiblement écrit, peaufiné, et appris par cœur. « Vous le diffuserez seulement après que je l'aurai prononcé, donc peut-être à la Martinique. »
    « La politique, ce sont les réalités. Quelles sont les réalités de la Guadeloupe (ou de la Martinique) ? Elle vient de les révéler aujourd'hui, avec son instinct et sa raison. On n'a pas le droit de déchirer cela. La chance de la Guadeloupe (ou Martinique), c'est la France. Elle n'en a pas d'autre.
    « Bien sûr, tout n'est pas parfait. On n'a pas toujours fait ce qu'on aurait pu. Mais du côté de (la Guadeloupe), on a plus que jamais conscience, par le sentiment comme par le bon sens, de la nécessité d'être Français. Du côté de la métropole, on comprend que cela va de soi. Telle est la vérité politique au sujet de (la Guadeloupe).
    « La France a décolonisé partout. Elle l'a fait notamment en Afrique. Mais la situation en Afrique n'a aucun rapport avec celle de (la Guadeloupe). Des pays africains sont devenus des États ; mais il s'agissait de peuples africains, dans l'immense ensemble africain, établis sur la terre africaine, où depuis toujours leurs ancêtres avaient vécu, où ils avaient gardé toutes leurs traditions, leur civilisation, leur langage, leur mode de vie. C'est ainsi qu'ils ont pu devenir des États. Encore ces pays doivent-ils vaincre de très lourdes difficultés pour se doter d'une administration et d'une infrastructure.
    « En Guadeloupe, tout est complètement différent. Elle est un creuset, où se sont mêlés des gens venus de tous côtés, d'Afrique, certes, mais aussi d'Europe et d'ailleurs. Tout le monde y parle français, tout le monde s'y sent Français. L'Amérique est d'un côté, l'Europe de l'autre. Entre les deux, il n'y a que des poussières dans l'Océan. On ne bâtit pas avec des poussières. On doit faire partie d'un grand ensemble. Tout commande à (la Guadeloupe) d'être française et à la France de faire à (la Guadeloupe) tout ce qu'elle doit à ses enfants.
    « Voilà la conclusion qu'un homme, qui a certes agi pour la décolonisation partout où c'était nécessaire, a tirée de longues réflexions sur les problèmes de la Guadeloupe. Il en est de même pour la Martinique et pour la Guyane, si diverses qu'elles soient.
    « Le meilleur service que nous puissions nous rendre à nous-mêmes, c'est d'être Français. La France est une vaste et éclatante réalité. On en voit des preuves tous les jours ; et quant aux jugements que d'autres portent sur elle, on vient de les constater ces jours derniers au Mexique, dont

Weitere Kostenlose Bücher