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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Qu'est-ce qui vous pousse à jeter le poids de votre autorité dans cette affaire ?
    GdG. — C'est une affaire grave ! D'abord, parce que c'est une atteinte inacceptable à la souveraineté française, que j'ai pour mission suprême de défendre. Ensuite, parce qu'il y a eu, en France même, des complicités troubles. Il faut que tout soit tiré au clair et qu'on en tire toutes les conséquences.
    AP. — Pensez-vous qu'Oufkir a été plus royaliste que le roi ? Qu'il a fait du zèle, en voulant débarrasser la monarchie de quelqu'un qui la menaçait ? Ou au contraire, qu'il travaille pour son compte ? Serait-il un Nasser en puissance ? Quel est le rôle du roi ?
    GdG. — Je n'en sais rien à l'heure qu'il est. Si le roi lâche Oufkir, nous pouvons admettre qu'il n'était pas au courant. S'il se solidarise avec lui, ça veut dire, soit qu'Oufkir a agi sur ordre, soit qu' Oufkir le tient. On verra bien. »

    Salon doré, 17 novembre. Alors que la campagne présidentielle fait rage, le Général se borne à me dire :
    « L'enquête suit son cours, elle se poursuivra jusqu'au bout. Les suites judiciaires iront à leur terme. Les accusés répondront de leurs actes devant la justice française. »

    « Si Pompidou ne voulait pas s'occuper du SDECE, il n'avait qu'à me le dire »
    Salon doré, 5 janvier 1966, après le dernier Conseil où j'exerce mes fonctions de porte-parole, le Général m'en dit davantage :
    « Du côté marocain, il est clair que le roi est tenu par Oufkir. Même s'il n'était pas au courant des préparatifs de l'enlèvement, il n'a pas, en tout cas, la capacité de le sanctionner. Oufkir, c'est l'armée et la police à la fois, c'est l'homme fort, c'est le chef d'un réseau à sa dévotion, c'est un État dans l'État. Le roi ne peut rien contre lui 2 . Tout l'échafaudage s'effondrerait et lui-même resterait sous les décombres. Que les Marocains s'entre-égorgent, c'est leur affaire. Mais ce qui nous importe, ce qui est de notre responsabilité, c'est l'honneur de la France. Nos relations avec le Maroc vont en souffrir.
    « Du côté français, il y a eu des flottements. Le SDECE a flotté. Matignon a flotté. Il y a eu des négligences. Que cette opération aitété faite avec la complicité de policiers ou d'agents français, c'est incroyable et c'est inadmissible. Pompidou n'a pas tenu en main des services qui dépendaient directement de lui. Il dit qu'il n'a jamais aimé les histoires de barbouzes, d'espionnage et de filature. C'est bien joli de ne pas vouloir se salir les mains, mais du coup, c'est l'État qui est sali. Des services spéciaux, il y en aura tant qu'il y aura des Etats. S'il ne voulait pas s'occuper du SDECE, il n'avait qu'à me le dire et je le lui aurais retiré. C'est d'ailleurs ce que je vais faire 3 . Tant pis pour lui si ça apparaît comme une sanction. Il faut toujours tirer les leçons des réalités et fixer les responsabilités. »

    Je suis tout étonné qu'il me fasse une confidence aussi lourde sur un Premier ministre qu'il vient juste de reconduire dans ses fonctions... Un peu comme s'il était lui-même tenu par Pompidou, tout en se maudissant de l'être.
    Trois ans plus tard, en janvier 1969, au moment de l'affaire Marcovic, Pompidou devait me dire : « L'affaire Ben Barka, ne croyez pas qu'elle appartienne au passé. Elle dure encore. »
    L'AFRIQUE NOIRE
    1 Ben Barka, chef de l'opposition de gauche marocaine, réfugié à Paris, a été enlevé devant la brasserie Lipp le 29 octobre ; on ne l'a appris que le 30.
    2 Le général Oufkir, ministre de la Défense, après l'échec d'un complot qu'il a fomenté contre le roi Hassan II, se suicidera (ou sera abattu) en 1972.
    3 La décision de placer le SDECE sous la tutelle du ministre des Armées sera prise au Conseil des ministres du 19 janvier 1966.

Chapitre 7
    « C'EST VRAI QUE L'INDÉPENDANCE DE L'AFRIQUE ÉTAIT PRÉMATUREE »
    En 1962, l'Afrique des indépendances est toute jeune encore — quatre ans à peine. Ses États, ses chefs, ses repères sont extrêmement fragiles. Il ne vient au Conseil des ministres que l'écho des crises qui la secouent. Elle y paraît à la fois très familière et très étrange.
    La chronique commence par l'ajustement difficile entre une Afrique décolonisée et une Europe au sein de laquelle la France inscrit désormais son action.

    Au Conseil du 6 juin 1962 1 , Gorse 2 : « À Bruxelles, la conférence des Six ne parvient toujours pas à établir une coopération avec les

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