C'était de Gaulle - Tome II
affaibli ?
GdG. — Les Arabes, c'est une agitation perpétuelle ; et si on cherche à s'appuyer sur eux, une perpétuelle déception. La politique à mener avec eux, c'est de ne pas s'attacher à eux, sinon on est sûr de perdre. Les Arabes, ce sont des nomades ; ce sont les enfants des sables. »
1 Ils le feront le 13 mai 1968.
Chapitre 5
« L'ALGÉRIE, C'EST FRAGILE »
Le 21 avril 1965, je lis au Général une dépêche d 'Associated Press annonçant pour la fin de juin la venue de Ben Bella à Paris.
GdG : « Non ! Ne confirmez pas ! Il en meurt d'envie, mais il n'en est pas question pour le moment.
« Ben Bella n'a pas mal manœuvré. Ça n'est pas un homme de mauvaise venue. Ça n'est pas un fumiste.
AP. — Il a éliminé ceux qui auraient pu s'opposer à lui.
GdG. — En tout cas, son opposition ne se manifeste plus. Mais, en réalité, toutes sortes de caciques subsistent, qui ont partie liée avec Boumedienne, avec des féodalités syndicales.
AP. — L'étonnant, c'est qu'il n'ait pas d'ennuis avec son armée.
GdG. — Mais ça peut arriver. Dans ce genre de pays, tout est suspendu à l'armée. Ou elle est loyale au chef, ou elle le renverse. Il est populaire, ça lui donne quelque assise. Mais l'Algérie, c'est fragile. »
« Ben Bella ou pas, ça continuera »
Malgré son don de vision à distance, le Général n'imaginait pas à quel point la situation algérienne était fragile.
Samedi 19 juin 1965, 9 heures du matin, dans l'autorail présidentiel. Nous allons parcourir l'Eure-et-Loir. La dernière visite en province du Général avant la fin de son septennat est aussi la première où Couve est invité à l'accompagner.
Nous bavardons, Couve, Frey, Sainteny et moi, quand l'aide de camp vient nous annoncer que Ben Bella a été renversé pendant la nuit et que l'armée prend le pouvoir à Alger. « Eh bien, dit Couve, flegmatique, annoncez-le donc au Général... »
L'aide de camp va, revient et dit à Couve que le Général veut le voir. Un quart d'heure après, Couve revenu, l'aide de camp m' appelle à mon tour.
GdG : « On va vous assaillir de questions. Il ne faut pas gloser. Ça ne nous concerne pas.
AP. — C'est quand même un coup dur ?
GdG. — Pourquoi ? Ce n'est pas un coup d'État contre la France. C'est une conspiration pour faire sauter ce type et le remplacer par un autre. Personne ne peut nous reprocher de ne pas avoir laissé l'Algérie faire ses expériences à sa guise. Ça nous dédouane aux yeux de tous les Algériens.
AP. — L'opinion en Algérie va-t-elle bouger ?
GdG. — Il n'y a pas d'opinion publique en Algérie. C'est un troupeau de malheureux, qu'on peut soulever par le fanatisme. Ils se sont révoltés contre nous par dignité, parce que nous les avions longtemps traités indignement. Avec la défaite de 40, et puis l'évolution du monde, ils n'ont plus supporté ce qui leur apparaissait auparavant comme une fatalité. C'est pourquoi la population, dans l'ensemble, était favorable à l'insurrection.
« Pourvu que soit maintenu le respect de leur dignité, la coopération se développera avec la France. Ils commencent à comprendre que la langue, la culture française, c'est le moyen pour eux d'entrer dans la vie moderne. Alors, Ben Bella ou pas Ben Bella, ça continuera. »
« Ben Bella a couvert l'inconsistance et le désordre algériens »
Au Conseil du 23 juin 1965, Broglie fait un long exposé sur ce « coup de surprise » ; d'où il ressort que ce qui était imprévu était inévitable.
GdG : « Le pouvoir en Algérie, ce sera : chacun son tour. Et probablement pour longtemps. Le lien qu'avaient créé l'insurrection et la lutte a disparu. Il ne reste que les réalités : la misère, la bagarre. Ben Bella a couvert cela pendant quelque temps, parce qu'il était habile, parce qu'il jouissait du prestige que nous lui avions donné en le jetant en prison, et parce que nous l'avions du même coup écarté des intrigues du FLN qui se tramaient au Caire ou à Tunis.
« Voilà Boumedienne et l'armée au pouvoir. Ça ne résout rien. Les bienfaits de la coopération finiront par apparaître.
« L'Algérie, c'était une pagaille avec une couverture, Ben Bella. Maintenant, c'est une pagaille sans couverture.
« Il n'y a pas, dans cette révolution de palais, l'ombre d'un caractère anti-français. Tout le monde se recommande de la coopération avec la France aussi haut que l'on peut. »
Après le Conseil.
AP : « Vous ne croyez pas que le
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