C'était de Gaulle - Tome II
d'être réélu en 1965. À moins qu'il songe à faire élire un successeur (qui ne pourrait être que Pompidou) en lui mettant le marché en main ? Mystère 7 . Je ne sais pas s'il a pris la décision d'être candidat, mais je connais au moins une des raisons qui le pousseraient à la prendre.
« Ils toléraient les Noirs quand c'étaient des domestiques »
Salon doré, 22 juillet 1964.
AP : « Que pensez-vous de l'élection de Goldwater à San Francisco pour le camp républicain ?
GdG. — Les problèmes raciaux, l'Amérique n'en sort pas. Voyez ce qui se passe à Harlem, c'est tout de même inquiétant. Elle tolérait les Noirs quand c'étaient des esclaves, il n'y en avait jamais assez, ou à la rigueur des domestiques ; tout comme les pieds-noirs d'Alger aimaient bien les Arabes quand ils leur ciraient les chaussures. Mais maintenant qu'ils prétendent à l'égalité ? Ils en ont vingt millions 8 . Ils en voudraient bien quelques-uns, comme ça, pour faire marcher les ascenseurs. Mais ils n'acceptent pas qu'il y en ait partout avec eux, pêle-mêle, qui leur demandent leur fille en mariage.
AP. — On ne peut quand même pas les renvoyer en Afrique ! GdG. — Mais l'Afrique n'en voudrait pas ! Elle dit : "Vous êtes des esclaves." Et les Noirs d'Amérique ne veulent pas y retourner. Ils reprochent aux Noirs d'Afrique de les avoir vendus.
AP. — Alors, quelle solution voyez-vous ?
GdG. — Il y a des problèmes qui n'ont pas de solution. »
« Ça ne peut plus durer, l'hégémonie »
Salon doré, 14 août 1964.
Il a été question au Conseil de l'ouverture prochaine, à Genève, d'une conférence internationale sur l'utilisation et la diffusion de l'énergie atomique — civile et militaire. Nous ne la voyons pas d'un bon œil. Le Général me donne les grandes lignes de ce que je dois en dire à la presse :
« La France estime que, dans le monde d'aujourd'hui, la condition de la paix, c'est la non-ingérence dans les affaires d'autrui. Aucun pays ne doit se mêler des affaires des autres pays. Les peuples peuvent toujours finir par trouver leur équilibre en eux-mêmes, par eux-mêmes, à condition qu'il n'y ait aucune intervention extérieure — et à condition bien entendu de les aider à se développer. »
Puis : « Tout ça veut dire, entre les lignes, que les deux hégémonies doivent cesser de faire la loi et que les deux blocs doivent se dissoudre. Il n'y a d'avenir de paix que si les Russes et les Américains comprennent, une bonne fois, qu'ils doivent renoncer à diriger chacun la moitié du monde. Il faut donc que les protectorats cessent d'accepter d'être des protectorats. Tout le monde en a assez des interventions incessantes des Américains dans le camp occidental, des ingérences permanentes des Russes dans le camp communiste.
« Voilà le grand fait actuel. Alors, du côté de l'Est, l'instrument, l'artisan, le symbole, le champion de cet affranchissement, c'est la Chine. Du côté de l'Ouest, le champion, le symbole, c'est la France. De toute façon, ça devait se produire, et ça se produit. Le moment est venu où ça ne peut plus durer, l'hégémonie. Ou alors, il aurait fallu qu'ils fassent la guerre. Et comme ils ne veulent pas faire la guerre, ni l'un ni l'autre, alors cette espèce d'hégémonie, qui ne se justifiait que par le danger de guerre, perd sa raison d'être. »
1 Secrétaire d'État au Trésor de 1957 à 1961, a été reçu par le Général le 30 mai, à l'instigation du général Billotte, hors du circuit diplomatique.
2 Représentant du Führer à Paris sous l'Occupation.
3 Alexis Léger, secrétaire général du Quai d'Orsay de 1933 à 1940, artisan de la rencontre de Munich (et grand poète sous le pseudonyme de Saint-John-Perse), avait été mis en disponibilité par Paul Reynaud, Président du Conseil, le 20 mai 1940. Il s'était ensuite réfugié aux États-Unis.
4 Satellite de communication.
5 Un an et demi plus tard, entre les deux tours de la campagne présidentielle, le Général rendra célèbre cette invocation, dans un entretien télévisé avec Michel Droit.
6 Par exemple le 22 janvier 1964, à propos de la reconnaissance de la Chine (cf. p. 491).
7 Ce n'est pas la première fois qu'il tient devant moi des propos qui laissent à penser qu'il se voit à l'Élysée après décembre 1965. Cf. infra, p. 149 et 174.
8 Le recensement de 1960 dénombrait 19 millions de Noirs sur une population totale avoisinant 180 millions d'habitants, soit 10,5
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