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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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beaucoup de gens raisonnables pensent qu'il y a doute. Or, pour la continuité d'un régime, il vaut mieux la certitude que le doute.
    GdG (amusé). —Alors, vous voudriez que je me présente pour me retirer ensuite?
    AP. — Ce que vous avez engagé, la politique d'indépendance nationale, la force de dissuasion, l'Europe des Etats, la détente avec l'Est, tout cela sera si long à réaliser, que vous ne pouvez pas l'avoir mené à bonne fin d'ici deux ans. Sept ans de plus seraient bien utiles.
    GdG (hilare). — Bien sûr. Il faudrait sept ans de plus, même vingt ans de plus, et même cinquante ans de plus! Il faudra bien qu'un jour ou l'autre, quelqu'un me succède. Alors, pourquoi ne voulez-vous pas que ce soit dans deux ans?

    « Un vice-président ? Je ne marche pas »
    AP. — Si vous ne retenez pas l'idée de vous retirer au bout de deux ou trois ans après avoir assuré le succès des législatives, vous pourriez vous présenter avec un vice-président et lui céder la place quand vous en aurez assez.
    GdG. — Je connais la chanson, vous me l'avez déjà chantée. Imaginez-vous que d'autres, proches de nous, me l'ont chantée aussi. Je ne marche pas. D'abord, quand on commence une chose, je vous le redis, il faut la finir. Ça ne serait pas honnête de dire au peuple français : élisez-moi pour sept ans, tout en sachant bien que je me retirerai sur la pointe des pieds deux ans plus tard au profit de mon coadjuteur.
    AP. — Un vice-président serait bien utile. Il serait élu les doigts dans le nez derrière vous, et puis, s'il vous arrivait quelque chose ou si vous étiez fatigué, il prendrait la place automatiquement et, à la fin du septennat, comme les Français donnent une prime au sortant, ils préféreront réélire le même pour assurer la stabilité.
    GdG. — Tout ça, c'est bien joli... mais ça ne se fera pas... »
    Il reste rêveur quelques instants. Je suis effleuré par l'idée qu'il pense : « Je n'ai pas le droit de compromettre le personnage que l'Histoire a fait de moi, en me faisant élire en même temps que quelqu'un d'autre. Du moins, je ne vois pas d'autre explication à son mutisme brusque. J'essaie de l'en faire sortir.

    « C'est impossible que mon successeur me ressemble »
    AP. — Pouvez-vous trouver une meilleure assurance d'être remplacé par quelqu'un qui continue votre œuvre?
    GdG. — De toute façon, mon successeur ne me remplacera pas. Le régime, après moi, de toute façon, ne sera pas le même que sous moi. Ne vous faites aucune illusion. Les choses prendront un autre ton, un autre style. On ne l'évitera pas. Quand Louis XV s'est assis sur le trône de Louis XIV, c'était un autre règne. Quand Louis XVI a remplacé Louis XV, c'était de nouveau autre chose. Pourtant, chaque fois, la succession était assurée ; d'avance, on connaissait le successeur sans le moindre doute.
    AP. — On peut en tout cas essayer de faire que votre successeur vous ressemble le plus possible.
    GdG. — C'est impossible qu'il me ressemble. Alors, pourquoise fatiguer à trouver des solutions artificielles ? La grande chance de la France réside simplement dans le fait que l'opposition n'existe pas. Et on peut espérer que les Français ont du bon sens, qu'ils aimeront la continuité et la stabilité, qu'ils ne voudront pas retourner à la chienlit de la IV e .
    AP. — Certains de vos propos dans cette tournée ont été interprétés comme la décision de votre retrait.
    GdG. — Que tous vos journalistes glosent comme ils l'entendront, cela n'a aucune importance. Il n'y a qu' à les laisser dans l' incertitude, une terrible (il fait sentir le double r, comme se parodiant) incertitude. C'est la règle des règles : ne rien dire jusqu'au dernier moment. Un homme d'État doit se réserver toutes les possibilités. Il ne doit s'engager ni à partir, ni à rester. Qu'il garde toutes les cartes dans son jeu. C'est pourquoi je ne dis rien.
    AP. — Votre mutisme sur cette question, jusqu' à ce voyage, avait été souvent interprété comme le signe que vous ne pensiez pas vous retirer et que vous envisagiez de vous représenter. Je dois dire que je n'ai rien fait pour décourager cette interprétation.
    GdG. — Faites ce que vous voudrez, tout cela n'a aucune importance. Que les gens s'agitent dans leurs suppositions et dans leurs chimères! En tout cas, pas de déclarations qui m'engagent! Ce que je sais, c'est que je ne me lancerai pas dans un second septennat pour accomplir une tâche

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