C'était de Gaulle - Tome II
empereurs du Brésil était à nouveau entrée dans l'Histoire en 1964, au cours de ce voyage dont chaque épisode restait dans les mémoires, en accueillant l'hôte illustre. À la fin du toast, tous les regards se tournèrent vers Giscard : il ne se leva pas. Chef d'État, il n'était pas tenu de répondre au toast d'un simple gouverneur. Les invités espéraient revivre les émotions d'hier — et il avait assez de talent pour rétablir le lien magique. Mais il est des exaltations du passé qui sonnent comme une dépréciation du présent. Est-ce ainsi que Giscard perçut le message du gouverneur ?
Au Conseil du 9 décembre 1964, Malraux revient du Mexique, pour la prise de fonctions du nouveau Président : « Il n'y avait que trois délégations, la soviétique, l'américaine et la française.
« Tout le passé indien est présenté avec éclat.
« Quand on parle de "latinité", on pense à la France. Le passé vivant, ce n'est pas l'Espagne, contre laquelle on s'est révolté, c'est la France. La lettre de Victor Hugo à Juarez est apprise par cœur dans les écoles. La France de De Gaulle est pour eux comme la Grèce de Périclès pour nous. La revendication indienne se fonde sur un passé qui n'est pas seulement l'art, mais la liberté incarnée par la France.
GdG. — C'est un fait que ces pays se tournent instinctivement vers le nôtre, parce qu'ils sont indisposés par les Américains. La France, c'est le recours. »
« Quand on a les marines sur le ventre »
Au Conseil du 12 mai 1965, Joxe, qui assure l'intérim de Couve, tente d'éclaircir les événements confus qui agitent Saint-Domingue et ont entraîné, fin avril, le débarquement des marines américains.
« Deux gouvernements s'affrontent : celui du général AntonioImbert, qui a la faveur du Président Johnson ; et celui de Camano, partisan du retour du Président Juan Bosch, que Kennedy soutenait naguère ; cet ancien Président, démocratiquement élu en 1962 puis renversé en 1963 et réfugié à Porto-Rico, a dit qu'il se tient à la disposition de son pays. »
Après le Conseil.
GdG : « Nous désapprouvons l'intervention américaine. Nous n'allons pas débarquer à Saint-Domingue pour combattre les Américains. Mais qu'ils se débrouillent tout seuls, moralement et politiquement ! Nous persistons à espérer qu'un jour viendra où il s'établira à Saint-Domingue un gouvernement qui résulte de la libre volonté des citoyens.
AP. — Laquelle ne pourra pas s'exercer tant que les troupes seront là?
GdG. — Évidemment! Elle ne peut pas se manifester quand on a des marines sur le ventre. »
Au Conseil du 18 mai 1965, Couve fait état d'une détérioration à Saint-Domingue. «Les États-Unis sont encombrés par leur propre intervention et l'énormité de leur force. »
« La politique de la canonnière, c'est fini »
Après le Conseil, le Général me dit : « Il y a un fait nouveau dans le monde. C'est que les peuples ont pris conscience d'eux-mêmes. Il y a toutes sortes de raisons pour cela, mais c'est un fait. Ils ont pris conscience de leur personnalité nationale, alors qu'autrefois, c'était très vague. On leur envoyait une canonnière ou un croiseur. Alors, l'Egypte payait sa dette, ou faisait semblant de vouloir la payer. Tout ça, c'est terminé. La politique de la canonnière, c'est fini et ça ne reviendra pas. On est aussitôt pris dans une cabale, parce que, lorsqu'on intervient dans un pays, on se trouve en face de ce peuple, qui ne veut pas que vous interveniez. Si vous intervenez, vous créez la guerre civile automatiquement. Et vous n'aboutissez jamais! C'est là le fait que nous avons reconnu. C'est pourquoi nous avons quitté l'Algérie, bien que nous fussions les maîtres sur le terrain ; mais ça ne nous procurait pas de solution. Seulement, les Américains ne l'ont pas encore compris.
« Ils se demandent comment s'en tirer. C'est toujours la même chose. C'est comme au Vietnam. Ils s'engagent comme des hurluberlus, puis, ils ne savent pas comment partir. »
VI
« TOUT AURAIT ÉTÉ BALAYÉ »
Chapitre 1
« MON SUCCESSEUR NE ME REMPLACERA PAS »
Dans le train entre Cognac et Roumazières, 12 juin 1963.
Je ne cesse de penser à la phrase que le Général m'a glissée mercredi dernier, après le Conseil du 5 juin 1963. Comme je m'étonnais que le Premier ministre, à cause d'un voyage en Turquie, ne présentât pas lui-même à l'Assemblée la loi sur le droit de grève à laquelle il avait
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