C'était de Gaulle - Tome II
économique et social et les élus des nouvelles régions, dont l'organisation est en train de s'esquisser 2 .
« Il faut que le Président puisse se séparer du Premier ministre quand il le voudra »
Mais ce n'est pas le seul problème que le référendum pourrait faire résoudre par le peuple.
AP : « En 1962, vous aviez envisagé de réviser les rapports entre le Président et le gouvernement ? Est-ce toujours dans vos projets ?
GdG. — Oui, et cette réforme doit aller de pair avec celle du Sénat. Le Président a des attributions extraordinaires. Il est garant de l'indépendance nationale. En cas de grande urgence nationale, c'est un dictateur à la romaine 3 . Pour le reste, même en temps ordinaire, son pouvoir est permanent : il donne l'orientation et l'impulsion. Le Premier ministre doit être placé sous sa dépendance directe. Quand il s'agit de moi d'une part, de Debré ou de Pompidou de l'autre, il n'y a pas de problème : ils ne chercheront pas à se dérober. Mais, avec mon successeur, le problème peut se poser. Dans l'état actuel des textes, le Premier ministre peut s'opposer au Président de la République en refusant de démissionner si le Président veut mettre fin à ses fonctions. Or, ce n'est pas normal, ni logique, ni conforme à l'esprit de la Constitution et à l'intérêt du pays. Le gouvernement ne peut être que l'émanation du Président de la République, sinon il y aura contradiction entre eux. Il ne faut pas que l'État soit surplombé par un aigle à deux têtes.
« Il faut donc que nous fassions en droit ce qui existe déjà, en fait, sous ma présidence. C'est-à-dire que le gouvernement doit être nommé par le Président, mais également peut être révoqué par le Président. Il faut donc que l'article disant le Président de la République nomme le Premier ministre soit complété ainsi : le Président de la République nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions.
AP. — Vous voulez éviter, entre le Président et le Premier ministre, un conflit où le Premier ministre pourrait jouer l'Assemblée contre le Président ?
GdG. — Oui. (Il détache les mots.) Il faut que le Président et le Premier ministre ne fassent qu'un. Et pour cela, il faut que le Président puisse se séparer du Premier ministre quand il le voudra. Ou bien à l'amiable : "Bye bye, vous êtes un type épatant, mais je n'ai plus besoin de vous parce que la page est tournée." (Il doit penser à Debré.) Ou bien : " Vous n' êtes pas d'accord avec moi, par conséquent je vous renvoie."
AP. — Mais, dans ce système rénové, vous laisseriez de toute façon au Parlement le droit d'exercer sa censure sur le gouvernement. Si la censure est votée, il faudra toujours que l'Assemblée soit dissoute, à moins que le Président change de gouvernement ?
GdG. — Oui, il faut faire parler le suffrage universel. Il n'est pas question de maintenir le même gouvernement devant une assemblée qui l'a censuré. Il faut renvoyer ou l'Assemblée, ou le gouvernement, ou de préférence les deux. »
« Le Congrès, c'est bon pour les réformettes »
Salon doré, 18 décembre 1963. Le Congrès va se réunir à Versailles pour une modification mineure de la Constitution : il s'agit de changer la date d'ouverture de la session de printemps. C'est la première fois sous la V e .
AP : « Vous ne craignez pas que le Congrès d' après-demain dégénère ? Quand on met 750 parlementaires ensemble dans une salle, peut-on savoir ce que ça peut donner ? "Nous sommes ici par la volonté du peuple..."
GdG. — Le Congrès ne peut pas beaucoup dégénérer. Il est solidement encadré. Je lui ai fixé un ordre du jour. Il ne peut s'occuper que d'une question sur laquelle l'accord est déjà fait au sein de chacune des deux chambres, à savoir le changement de la date des sessions parlementaires.
AP. — Puisque vous êtes le maître des opérations, pourquoi ne retiendriez-vous pas la procédure du Congrès pour une autre modification de la Constitution ?
GdG. — Non ! Ce n'est pas possible ! Pour une modification sérieuse de la Constitution, il faut le référendum ! Une réforme des institutions que le peuple tout entier a mises sur pied en 1958 ne peut être décidée que par le peuple ! Il faut que le peuple se prononce lui-même ! Il est seul à pouvoir transformer ce qu'il a fait ! Le Congrès, c'est bon pour les réformettes !
AP. — Mais la voie du référendum par appel direct au peuple reste
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