C'était de Gaulle - Tome II
laisserez entendre que la Constitution a encore besoin des retouches dont vous m'avez parlé ? Le Sénat, le droit pour le Président de révoquer le Premier ministre ?
GdG. — Le Sénat, qu'on le garde ou qu'on le supprime, ça ne changera rien à l'essentiel de la Constitution. Mais si on faisait soit le gouvernement de législature, soit le régime présidentiel, ça changerait tout de fond en comble, et c'est ce que nous ne pouvons pas admettre.
« C'est bien simple, ce n'est pas la peine de raconter des histoires. Nous avons le choix entre la stabilité ou le retour à la chienlit. »
« Il faudra bien qu'un jour au l'autre on puisse se passer de moi »
La place du Général dans les institutions est si écrasante, que chacun se demande ce qui se passerait s'il n'était pas là. Après le Conseil du 29 janvier 1964, je lui demande : « Avez-vous vraiment l'intention, au cours de votre tournée en Amérique du Sud, d' aller dans tous les pays ?
GdG. — Je ne serais pas étonné que j'y sois amené.
AP. — Ce sera une affaire énorme ? Un mois peut-être ? Comment pourra-t-on, pendant un mois, fonctionner normalement, en l'absence du Président ?
GdG. — Le Conseil des ministres peut siéger sous la présidencedu Premier ministre, par délégation du Président de la République. Du reste, je m'arrangerai pour pouvoir signer des décrets. Je ferai venir un bateau de guerre.
AP. — Napoléon avait bien signé son décret sur la Comédie-Française à Moscou... Une ambassade de France ne suffirait pas ?
GdG. — Napoléon occupait Moscou avec ses troupes. C'était une conquête française et la signature du décret, justement, le marquait bien. Non, il faut que je sois sur un sol français. Il faut que je fasse venir un bateau 4 .
AP. — Un mois, c'est long. On ne sait pas ce qui peut arriver.
GdG. — Il faudra bien qu'un jour ou l'autre, on puisse se passer de moi ! Alors, autant en faire l'apprentissage tout de suite. »
Salon doré, 17 juin 1964, je reviens sur la « disposition Monnerville », qui place le président du Sénat à l'Elysée en cas d'intérim.
GdG : « Le sort de la disposition Monnerville est lié à la disparition du Sénat. Le jour où on aura exécuté le Sénat par voie de référendum, du même coup on aura réglé la question.
AP. —Avant l'élection présidentielle de l'an prochain ?
GdG. — Non. Pas avant. Mais ça se fera. »
« Il s'est trahi », me suis-je dit ; cela doit être la troisième fois 5 .
Aussitôt, comme s'il s'en apercevait, il fait quelque peu machine arrière : « Enfin, ça devrait se faire. Si je me représente et que je sois réélu, je ferai certainement une nouvelle réforme constitutionnelle.
« S'il y avait dans l'opposition un grand bonhomme »
Salon doré, 26 août 1964. Près de deux ans ont passé depuis les débats en Conseil sur l'intérim du Président en cas d' « accident ». Je lui demande s'il considère que la solution retenue alors — par le président du Sénat — est intouchable :
GdG : « Vous le savez bien, c'est la faute de Pompidou si, au dernier référendum, on n'a pas décidé que l'intérim serait exercé par le gouvernement. Il a eu peur de bousculer le pot de fleurs. Il pensait que ça n'aurait pas été élégant d'écarter Monnerville. Alors, je n'ai pas insisté. Je me reproche de ne pas l'avoir fait. Le Premier ministre serait détenteur, par définition, à la fois de la confiance du Président, et de celle de l'Assemblée. D'ailleurs, dans la Constitution de 1875, c'était comme ça.
AP. — Dans l' actuelle, deux hommes tiendront la barre.
GdG. — Oui, mais on a spécifié, par le référendum de 62, que le Président intérimaire n'a le droit ni de changer le gouvernement ni de dissoudre l'Assemblée.
AP. — Le Premier ministre dira : " Votez pour moi " ; ou le Président par intérim dira : " Votez pour un autre " ou : " Votez pour moi ! " C'est la division organisée, dans une période de crise.
GdG. — Ne vous inquiétez pas trop. S'il y avait dans l'opposition un grand bonhomme, ce serait dangereux. Il n'y en a pas. »
Conseil du 23 décembre 1964.
Dumas commente le bilan de la session d'automne : « Le vote bloqué a permis d'abattre de la besogne. Sans cette procédure, certains textes seraient des monstres contradictoires.
GdG. — Ces dispositions, quand nous avons fait la Constitution en 58, ce sont les Guy Mollet et les Pflimlin qui ont été les plus acharnés à les faire
Weitere Kostenlose Bücher