C'était de Gaulle - Tome II
dans son ensemble satisfaisant. Le fantôme de la catastrophe nationale s'est dissipé, comme beaucoup d'autres fantômes. La plupart se sont mis au travail. C'est normal. Il y aura un résidu, il faut s'y attendre : des professionnels du rapatriement.
« Vous avez réussi dans une tâche qui n'était pas facile. »
« Le pays a eu beaucoup plus à gagner qu'à perdre d'avoir récupéré nos compatriotes »
Au Conseil du 10 juin 1964, Missoffe : « Les rapatriés, c'est fini. Il reste seulement le règlement de quelques cas sociaux.
GdG. — C'est une affaire qui n'a pas de précédent en France. Ça a réussi. Il fallait faire les accords d'Évian, donner à nos compatriotes la possibilité de se maintenir en Algérie. Mais le pays a eu beaucoup plus à gagner qu'à perdre de les avoir récupérés.
Pompidou. — Je suis inquiet de l'ampleur que prend l'idée d' indemnisation chez les parlementaires, à cause du rôle des rapatriés dans pas mal de circonscriptions. Or, nous avons pris en 1962 le parti de l'intégration, qui était son contraire.
GdG. — À coup sûr. Il faut présenter ainsi la question. Le vrai problème, ce n'est pas celui de l'indemnisation. C'est celui de l'intégration. C'est elle que le gouvernement a choisi de favoriser.
« L'indemnisation, pourquoi ? La Nation ne leur doit rien. (Il répète en haussant le ton.) Elle les a laissés s'installer en Algérieà leurs risques et périls. Ils en ont tiré suffisamment d'avantages, pendant suffisamment de temps. Elle a consenti suffisamment de sacrifices, pendant huit ans, pour essayer de les y maintenir.
« Les circonstances ont voulu que par la conquête, un certain nombre de terres ou de biens soient tombés entre leurs mains — et qu'ils les aient fait fructifier, certes, par leur travail, mais grâce aussi au système colonial. Dès lors que nous avons mis fin au système colonial, il n'est pas possible qu'ils en profitent encore, indéfiniment. Il ne faut pas se laisser entraîner à accepter des dommages de guerre. Quand un problème politique est fâcheux, il n'y a qu'une manière de le traiter, c'est la négative. »
« Jamais l'Algérie n'a été française, c'était une colonie »
Après le Conseil du 22 juillet 1964, où Missoffe a siégé pour la dernière fois, puisque son ministère est supprimé en signe de réussite, le Général me dit : « Le problème des rapatriés est réglé pour l'essentiel, même s'il reste encore des choses à régler. Ils ont été absorbés comme par un papier buvard. Ça aurait pu être un fléau pour la France, ça n'en a pas été un. Ça fait beaucoup d'écorchures individuelles, ça ne fait pas une plaie nationale. Alors qu'on pouvait penser que c'en serait une, matériellement et moralement, nous constatons qu'ils contribuent à l'expansion française.
AP. — Comme les réfugiés allemands ont contribué à l'expansion de l'Allemagne.
GdG. — On ne peut pas comparer, parce que les réfugiés allemands arrivaient d'un pays allemand, où les Allemands étaient chez eux, et qui a été occupé par les Russes, ou par des régimes communistes aux ordres des Russes. C'est pourquoi ils sont partis. Mais en Algérie, les Français n'étaient pas chez eux. Ils n'y ont jamais été chez eux, pas plus qu'au Maroc ou en Tunisie.
« On leur a fait croire que l'Algérie, c'était la France. Ils ont voulu se bercer de cette illusion. Mais elle n'était pas plus une réalité que dans le reste du Maghreb. Jamais l'Algérie n'a été française. Elle l'était dans les fictions juridiques. Elle l'était dans la tête de colonels braillards, et de la masse des Européens d'Algérie qui avaient fini par s'en persuader. Elle l'était dans les slogans. Elle ne l'était pas dans les faits. C'était une colonie.
« Le ministère des Rapatriés disparaît, parce qu'il ne se justifie plus et que les rapatriés, pour être vraiment intégrés, doivent être considérés comme des Français pareils aux autres et non comme des Français à part, ayant un ministère spécial. Missoffe cesse d'être ministre, mais il va être appelé à un poste diplomatique important. Ne dites pas lequel, tant que les Japonais n'ont pas donné leur agrément, mais vous n'avez qu'à dire à vos journalistes qu'il se fait hara-kiri avec beaucoup de bonne grâce. »
C'est sans doute la première fois qu'une administration ne survit pas à la tâche qu'elle avait à accomplir.
Conseil du 16 décembre 1964.
L'amnistie que
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