C'était de Gaulle - Tome II
même, tranchons le mot, d'immoral. Mais on ne pouvait pas trop charger la barque.
AP. — Vous auriez pu inclure cette incompatibilité dans la révision constitutionnelle d'octobre 62...
GdG. — Non, cette révision avait un seul objet, l'élection populaire du Président. Il ne fallait pas brouiller les cartes. Mais peut-être qu'on pourra reprendre ça en réglant le sort du Sénat, puisqu'il s'appelle lui-même le Grand Conseil des communes de France. » (Rire.)
Conseil du 15 avril 1964.
Le projet de loi municipale revient, complété, mais du coup encore compliqué, ce qui pousse le Général à exprimer une nouvelle fois son attachement à la simplicité :
GdG : « Pourquoi accumuler les conditions ? Pourquoi énumérer des chiffres et des contraintes dans lesquels on va se trouver emprisonné ? Pourquoi s'emberlificoter ? Laissez-les faire leurs listes ! Laissez les électeurs tranquilles ! Ne les tracassez pas ! Ne les traquez pas ! »
Salon doré, 18 mars 1965.
GdG : « Alors, vous allez être maire de Provins ? N'y passez quand même pas trop de temps. Il faudrait qu'un ministre puisse être tout entier aux affaires de l'État.
AP. — Je me soumettrais volontiers à l'interdiction du cumul, si elle était imposée à tous !
GdG. — Je ne vais pas l'exiger de vous ni des autres. J'aurais aimé que ce cumul soit interdit par la Constitution. Mais pour le moment, ce n'est pas le cas. Ce qui n'est pas interdit est autorisé. »
J'ai envie d'ajouter : ... « et donc obligatoire ».
L'ESPRIT PUBLIC
1 Expression familière pour : radical-socialiste.
Chapitre 15
«VOUS NE TIENDREZ PLUS RIEN À LA TÉLÉVISION »
Salon doré, 11 juin 1963.
En interrogeant le Général sur la réélection du député communiste Balmigère à la faveur d'une partielle, je me mets moi-même dans la gueule du loup :
AP : « Comment expliquez-vous ce recul gaulliste dans l'Hérault ?
GdG. — Votre télévision avait donné d'avance tant d'importance à cette élection, qu'elle a fini par en avoir effectivement.
« Votre Journal télévisé n'est vraiment pas fameux. Il avait tellement annoncé qu'un Front populaire allait s'instituer ; c'était faire sa réclame. Et puis, il a lâché l'information comme si c'était une heureuse nouvelle. Un de vos types était en train de parler ; à ce moment-là, un autre est venu tout haletant lui apporter un papier et ils ont rigolé comme s'ils explosaient de joie. Vraiment, ce n'est pas ce qui se fait de mieux ! (Gros rire.) N'oubliez pas que c'est votre affaire. »
Il excelle à culpabiliser discrètement ses ministres.
« Vous logez dans la Maison de la Radio, naturellement ? »
Salon doré, 3 décembre 1963. Le Général, qui doit inaugurer la Maison de la Radio, m'a convoqué pour s'y préparer. Il veut d'abord savoir l'histoire de cet édifice.
AP : « Il a été lancé sous la IV e , en 55, mais le gros œuvre n'était pas encore terminé que l'argent a manqué. On a dû interrompre le chantier. Il a fallu la V e pour qu'il soit repris en 59. Vous pourriez dire que c'est un projet de la IV e mené à bien par la V e , comme tant d'autres.
GdG. — Non, pas de polémique ! Il faut être grand seigneur.
AP. — L'ennui, c'est que les autres ne le sont pas : ces jours-ci, on vous accusait d'avoir voulu cette Maison de la Radio pour concentrer en un seul endroit la radio et la télévision, de manière à mieux les tenir en laisse. Comme si l'idée venait de vous.
GdG. — Laissez tomber. Tout ça est méprisable ! Nous faisons ce que nous avons à faire et nous laissons pisser le mérinos. »
Maison de la Radio, samedi 14 décembre 1963.
Avant la cérémonie, rapide visite. Nous marchons côte à côte dans des couloirs interminables.
GdG : « Vous logez ici, naturellement ?
AP. — Mais non, mon général !
GdG. — Comment, il n'y a pas un appartement pour le ministre ?
AP. — Non. Il n'y a aucun appartement. Il n'y a que des bureaux. »
Je me garde de lui dire qu'en avril 1962, le directeur général de la RTF, Robert Bordaz, était venu déployer sur mon bureau les plans de « mon » futur appartement de fonction, au sommet de la tour dressée au centre de la « Maison ronde ». En dessous, devait s'installer le cabinet du ministre. Ce n'était que la transposition de la situation précédente : dans l'immeuble du ministère de l'Information, à l'Etoile, où s'entassaient les bureaux des directions de la RTF, l' avant-dernier étage était
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