C'était le XXe siècle T.1
paquet bien ficelé qui s’était enfoncé sous ses yeux. Cependant, des fouilles dans les mêmes étangs ne devaient donner aucun résultat. À quoi les pêcheurs du coin répondaient, l’œil malin :
— Vous savez, il y a beaucoup de brochets et de carpes par ici. Ils ont bon appétit.
On ne saura jamais sans doute comment Landru a tué. Étranglait-il ses victimes ? Les empoisonnait-il ? Les tuait-il d’un coup de feu pendant leur sommeil ? Nous savons, par le triple témoignage d’un télégraphiste, de Maurice Landru et de Fernande Segret, que Landru, à Gambais, était en possession d’armes à feu : un fusil de chasse et deux revolvers. Fernande Segret a même témoigné de l’extraordinaire adresse de son amant.
Lors des perquisitions, les enquêteurs ont découvert, sur le parquet de l’une des pièces, des cartouches de revolver ainsi que des douilles de fusil de chasse. Confirmation ?
Si cette dernière explication doit être adoptée, on ne peut songer sans effroi au double meurtre de Mme Cuchet et de son fils. Il n’a pu les tuer tous les deux en même temps. Comment ne pas évoquer la terreur du survivant ; la chasse qui a pu s’engager dans la maison ? Le carnet porte des heures qui semblent avoir été celles des « exécutions ». Certaines indiquent que la mort de telle et telle victime s’est produite en plein jour. On imagine l’horreur de la femme habituée jusque-là à tant de douces paroles, à d’adorables effusions et qui découvre tout à coup le regard implacable de l’homme qui va tuer.
En son temps, Landru a beaucoup fait rire les journalistes et, à travers ceux-ci, le public. Son bagout y a été pour beaucoup. Il faut penser aussi à celles dont le rire s’est mué en hurlements d’épouvante. Celles à qui il avait fait croire qu’il les aimait et qui sont devenues ses victimes.
Il continue à tenir le devant de la scène, celui que l’on n’appelle plus que le sire de Gambais. Les journaux citent ses bons mots, ses dialogues avec M. Bonin, le juge d’instruction. Celui-ci faisant remarquer à Landru que l’on a trouvé chez lui, rue de Rochechouart, un livre intitulé La Vie d’une grande empoisonneuse , Landru rétorque :
— On n’empoisonne pas avec un livre, monsieur le Juge !
M. Bonin exhibe devant Landru des dents humaines trouvées parmi les cendres de Gambais. Landru les regarde et froidement :
— Tout ce que je peux dire, monsieur le Juge, c’est qu’elles sont dans un piètre état de conservation.
M. Bonin s’étonne que les fils de Landru aient pu l’aider parfois à déménager les meubles de ses victimes. Cette fois, Landru se fâche :
— Quand je donne un ordre à mes enfants, moi, monsieur le Juge, ils obéissent. Ils ne cherchent pas le pourquoi ni le comment. Je me demande comment vous élevez les vôtres !
Presque chaque jour, la presse consacre à Landru de longs articles. Quand son avocat les lui apporte, il soupire :
— Et dire qu’il y a une crise du papier !
Ce que connaît Landru, c’est paradoxalement la véritable popularité. Il reçoit des centaines de lettres, parmi lesquelles un grand nombre de lettres d’amour. Une femme lui écrit : « Tout à toi, jusqu’au fourneau ! » Sans doute une farce. Mais d’autres semblent sincères : « Je suis si seule, mon mari me bat, tous les amants que j’ai eus me dégoûtent. Je vous écris parce que je pense que vous aussi vous êtes si seul…»
Aux élections du 16 novembre 1919, on va trouver dans les urnes 4 000 bulletins portant le nom de Landru !
Autour de lui, le filet se resserre. Le sire de Gambais ne rit plus quand M. Bonin brandit devant lui les mentions relevées dans l’un de ses carnets : « 16 juillet 1916, 4 lames scie à 0,50 F : 2 F ; 8 février 1917, une douzaine de scies à métaux de 0,22 : 6,60 F ; 25 avril 1917, scie à bûche : 4,25 F ; 6 juin 1917, scie circulaire : 3,15 F ; 9 octobre 1917, 3 lames de scie à 0,40 F : 1,20 F ; 6 mars 1918, 6 douzaines de scies à métaux : 25 F. »
Pourquoi toutes ces scies ? Landru ne répond pas. Et pas davantage quand M. Bonin, après avoir fait ses calculs, lui déclare :
— Vos crimes vous ont rapporté en tout 35 642,50 francs, soit, en moyenne, 3 564,20 francs par victime. Ils s’échelonnent sur quatre ans, ce qui fait environ 745 francs par mois. Vos seules ressources !
Il ne se départit de sa gouaille qu’avec une seule
Weitere Kostenlose Bücher