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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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requiert la mort. Moro-Giafferi se montre égal à lui-même, c’est-à-dire éblouissant. Toute son argumentation porte sur l’absence de cadavres. Ce dont dispose l’accusation, c’est d’un certain nombre d’indices, de présomptions peut-être. D’aucune preuve. Va-t-on condamner un homme sans preuve ?
    Et tout à coup, la voix de Me de Moro-Giafferi s’enfle, tonne. Il s’adresse aux jurés, annonce qu’il va écraser la thèse de l’accusation. Parce que l’une des femmes que l’on croit morte, assassinée par Landru, est bien vivante. Elle est là, derrière cette porte, elle va entrer :
    — Regardez, messieurs les jurés ! Regardez bien !
    Dans l’instant, tous les jurés tendent le cou vers la porte. Celle-ci reste close. Moro-Giafferi avoue : personne ne se trouve derrière cette porte. Le seul fait que les jurés aient cru qu’une femme pouvait s’y trouver démontre qu’ils ne sont pas absolument sûrs que l’accusation ait raison !
    Magnifique effet d’audience, en vérité. Le procureur va le réduire à néant, en faisant observer que Landru, lui, ne s’était pas tourné vers la porte. Il savait bien que c’était inutile !
    M e de Moro-Giafferi en vient à la péroraison de son impossible défense :
    — Messieurs les jurés, prenez garde à cet étrange sophisme : la « conviction du jury ». La conviction n’a jamais été la preuve ! Il n’y a qu’un moyen de parvenir à la vérité, c’est d’en douter toujours…
     
    Deux heures de délibérations. À toutes les questions, la réponse du jury est oui. La mort pour Landru. Il accueille le verdict avec son impassibilité coutumière. Il serre la main de son avocat :
    — Merci, maître, si quelqu’un avait pu me sauver, c’était vous… Dans toutes les batailles, il y a des tués…
    En prison, il écrira à l’avocat général :
    « Étonné au début devant la netteté de mes réponses, il vous était venu un doute, doute affreux. Ce doute, je l’ai vu naître et vous, qui ne me quittiez guère des yeux, vous avez senti que je vous comprenais. N’est-ce pas qu’elle vous a bien fait peur, ma petite cuisinière, toute seule dans votre grand prétoire ?
    « J’aurais pu demander qu’on montre son foyer grand tout au plus comme une gamelle de poilu, où vous vouliez m’avoir fait brûler tant de victimes. Tout le monde aurait souri ! J’ai eu un instant l’inconvenante pensée malicieuse d’exiger que tout l’attirail des scellés saute…»
    Le pourvoi sera rejeté. Avant de se rendre auprès du président de la République pour solliciter la grâce de son client, maître de Moro-Giafferi suppliera une dernière fois Landru :
    — Dites-moi la vérité, Landru, toute la vérité ! Si vous ne la dites pas, vous êtes perdu.
    — Vous avez raison, maître, je vais tout vous dire. J’ai pris dix femmes et je les ai brûlées avec une allumette bougie. Vous voyez que la Régie fait des progrès.
    Le vendredi 24 février 1922 à 5 h 25 du matin, les magistrats pénètrent dans la cellule de Landru. Le substitut du procureur de la République, M. Béguin, lui demande d’avoir du courage.
    — Du courage ? fait Landru. N’ai-je pas montré que j’en avais ? Messieurs, je suis à votre disposition. Veuillez me passer mes vêtements.
    On lui demande s’il a une déclaration à faire :
    — Je tiens votre question pour injurieuse, puisque je suis innocent !
    Il refuse le verre de rhum et la cigarette qu’on lui propose :
    — Vous savez que je n’ai jamais été buveur ni fumeur. C’est mauvais pour la santé.
    Il serre la main de son défenseur :
    — Ce dont je vous suis le plus reconnaissant, maître, c’est d’avoir cru jusqu’à la fin à mon innocence…
    On lui offre d’entendre la messe. L’aumônier attend.
    — Ce serait avec plaisir, monsieur l’Abbé. Mais je crois qu’il importe surtout d’aller vite. Je ne veux pas faire attendre ces messieurs.
    Sur le chemin de la guillotine, il est très calme. Tout à coup, il déclare qu’il a des révélations à faire. Magistrats, bourreau, avocats s’arrêtent. Moro-Giafferi esquisse un pas vers son client. D’un geste, Landru l’arrête net. Il dit que c’est avec le collaborateur de Moro, M e Navières du Treuil, qu’il veut s’entretenir. Celui-ci, tout ému, s’approche. Landru se penche vers lui, lui parle à l’oreille. Cela dure longtemps, très longtemps. Autour des deux hommes, c’est un

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