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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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personne : Fernande Segret. Il semble l’avoir sincèrement aimée. S’il l’a conduite plusieurs fois à Gambais, jamais il n’a pensé l’y laisser. Pour elle, ce sont toujours des aller et retour qu’il achète. L’étonnant est que cet amour apparaît réciproque, partagé. Fernande dira :
    — C’était un poète. Alfred de Musset était son auteur favori et il le récitait souvent. En outre, il était fou d’opéra. Plusieurs fois, il m’a conduite voir Manon et Faust . La musique lui produisait une impression profonde ; il déglutissait pour cacher son émotion.
    Elle jure qu’elle n’a rien su des « affaires » de son amant :
    — Ce que je puis préciser, c’est qu’il était excessivement actif. Il allait, il venait. Souvent encombré de paquets. Il était tout à fait irrégulier dans ses heures de rentrée et enfin il lui arrivait fréquemment de découcher. Landru, je ne saurais trop le répéter, s’est toujours montré affectueux, tendre, prévenant à l’excès à mon égard, très caressant, très aimant. C’était un véritable enjôleur. J’étais bien décidée à ce que mon aventure avec lui n’ait aucune suite. Mais petit à petit, je me suis laissé prendre au charme de sa parole, de ses cajoleries, de ses caresses. C’est un homme doué d’une force de caractère inouïe. Il sait obtenir tout ce qu’il désire. Quand il m’est arrivé de lui faire une proposition quelconque pour un avenir proche, il m’a toujours donné son assentiment, quitte, au moment venu, à me persuader qu’il devait en être autrement. Sa puissance de persuasion, en effet, n’avait d’égale que l’autorité de sa volonté.
    Le juge la pousse dans ses retranchements. Sur le plan sexuel, Landru n’était-il pas un anormal ? Elle se récrie : jamais ! Une précision : il était « très passionné et d’une vitalité exceptionnelle ».
    Elle soupire :
    — Malgré son âge, sa force physique était celle d’un homme jeune.
     
    Le procès ? Il sera jugé à Versailles, les débats étant conduits par le président Gilbert. L’avocat général Godefroy fera face à l’un des plus grands ténors du barreau : M e de Moro-Giafferi. Henri Béraud, romancier et grand journaliste, verra paraître Landru par une porte jaune entrebâillée : « Alors un crâne chauve fait une tache blanche devant le mur vert ; les épaules suivent, courbées, molles, secouées d’un frisson. L’homme est là, debout, chancelant, aveuglé. La prison, contiguë, l’a jeté, après dix marches montées et descendues, en pleine lumière. Son costume, d’un ton réséda, sans coupe, date d’un temps où toutes les élégances étaient militaires… Il ne ressemble point à ses portraits. Ses traits n’ont point cette singularité que leur prêtait l’imagination populaire. On se le représentait plus ténébreux, plus sordide, plus conforme au modèle courant de l’anthropométrie ; on le voyait enfin plus hirsute, plus bosselé et, si l’on peut ainsi parler, moins lisse. On se trompait. Figure d’honnête courtier et qui semblerait banale, n’étaient les sourcils circonflexes, tracés haut sur le front, et qui donnent à la physionomie une expression de surprise et d’attention. Landru se penche avec politesse, darde vers le tribunal un nez mince et pointu qui semble flairer le vent. Enfin il s’assied. Et l’on ne voit plus, par-dessus la bande du box, qu’un visage froid, osseux, barbu et pommadé. »
    Ouvert le 7 novembre 1921, le procès va se poursuivre pendant plus de trois semaines. Tout Paris s’y presse, Colette aussi bien que les chanteuses Polaire et Mistinguett ; la duchesse de Valentinois comme la princesse Hélène de Grèce. Landru ne déçoit pas. Il lance :
    — Si les femmes que j’ai connues ont quelque chose à me reprocher, elles n’ont qu’à déposer plainte !
    Le président lui demande s’il a usé de l’hypnotisme. Il répond négativement.
    — Vous n’avez jamais essayé le pouvoir de vos regards ?
    — Pour les aider à voir, je ne me suis jamais servi que de lorgnons !
    Malgré les grosses colères du président, chaque fois on rit. Landru profite de toutes les occasions. À l’adresse de M. Godefroy, il lance :
    — Vous parlez toujours de ma tête, monsieur l’Avocat général. Je regrette de n’en avoir pas plusieurs à vous offrir !
    Le long défilé des témoins est achevé. La partie civile plaide. L’avocat général

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