C'était le XXe siècle T.1
longuement, soigneusement, et découvrir enfin à Gambais, devra avant tout être éloignée d’un voisinage trop curieux. C’est au mois de décembre 1915 qu’il va louer, sous le nom de Dupont, ce pavillon en plein champ, à 400 mètres de toute habitation, « petite bicoque en briques, dira un journaliste, basse sur pattes, fort banale ». Dès la première visite, il a été conquis par les quatre pièces du rez-de-chaussée – outre une cuisine – et la petite chambre du premier étage. Il a particulièrement apprécié le sous-sol auquel on accède par la cuisine.
Sa première acquisition : une cuisinière. Trois jours plus tard, sous le nom de Dupont, il signe l’acte de location. Le quincailler lui livre la cuisinière et aussi trois cents kilos de charbon qu’il a commandés. Landru sait ce qu’il veut.
Tout est prêt pour que le nouveau locataire pende la crémaillère ; ce sera en compagnie de Berthe-Anna Héon, née le 4 octobre 1860 au Havre. Une veuve encore, qui avait eu le malheur de perdre en quelques années son fils et ses deux filles. Elle a lu l’annonce insérée le 12 juin 1915, par Landru, dans un journal de Paris. Bientôt, elle a annoncé à ses amis qu’elle avait été demandée en mariage par un « ingénieur très riche momentanément en congé à Paris, habitant la Tunisie, où il doit retourner après avoir pris femme ». Aux yeux de Mme Héon, la Tunisie n’est nullement un obstacle. Afin de suivre son « fiancé », elle vend ses meubles pour 500 francs qu’elle remet à Landru. Elle réunit ses affaires personnelles et part pour son dernier voyage. Destination : Gambais. Landru n’a pas manqué de noter la dépense engagée : « Aller et retour, 3,85 F. Aller, 2,40 F. » L’aller et retour est pour lui. Pour Mme Héon, un aller suffit. Il n’y a pas de petites économies.
Dans le carnet de Landru, Mme Héon ne sera pas nommée, elle non plus. Elle n’aura droit qu’à la seule mention de sa ville natale : Havre.
Landru a toujours, si l’on ose écrire, plusieurs fers au feu. C’est à la petite annonce du 12 juin 1915 que Berthe Héon a répondu. Mais Mme Collomb avait réagi, elle, à l’annonce du 1 er mai ainsi conçue : M. 45 ans, seul, sans famille, situation 4 000, ayant intérieur, désire épouser dame ayant situation rapport .
Landru a soigneusement encadré au crayon bleu ce passage de sa lettre : « J’ai 39 ans, je suis veuve, sans enfant, et pour ainsi dire sans famille puisque sous peu elle quittera Paris. Je gagne 2 100 F par an dans un bureau. Je suis parvenue à faire quelques économies qui, avec le petit peu que j’avais quand mon mari est mort, s’élèvent à 8 000 F. »
Anne Collomb est veuve depuis quinze ans et dactylographe dans une compagnie d’assurances. Ce n’est pas trente-neuf mis mais quarante-quatre que lui donne l’état civil. Elle ne les paraît pas. Brune et mince, elle ne manque pas de charme.
Consultons l’agenda de Landru : « 7 mai 1915, Collomb ; 14 mai, répondre à Collomb ; 18 mai, 8 heures, Collomb, 15, rue Rodier. » Désormais, l’agenda contiendra de fréquentes mentions de rencontres avec Mme Collomb. Landru va l’attendre à la sortie de son bureau. Cette fois, il prend son temps. C’est que la situation ne ressemble pas tout à fait aux précédentes. Mme Collomb a un amant. Par ailleurs cette famille qu’elle prétendait toute théorique veille jalousement sur elle. Landru n’est pas pressé. Berthe Héon occupe la majeure partie de son temps. Il attend que cette dernière ait disparu pour se faire plus pressant. Comme on ne résiste pas à Landru, Mme Collomb rompt avec son amant. Elle accepte de suivre le Don Juan barbu à Gambais. Pour elle, il est M. Dupont. Elle donne congé de son appartement de la rue Rodier et, à partir de septembre, vient habiter chez son cher Dupont, 22, rue de Chateaudun. Bientôt, elle annonce son mariage à sa mère, à sa sœur, à son frère.
Le 26 décembre, Anne Collomb part avec son « fiancé » pour Gambais. Sur le carnet de Landru, cette fois encore, on trouvera mention d’un aller et retour. Et d’un aller simple.
Le 27 décembre, quand Landru revient à Paris, il est seul. Anne Collomb portait sur elle environ 2 000 francs. Les comptes de Landru indiquent que, le 16 décembre, ses fonds propres se montaient à 210,35 F. Le 18, il en était à 6,75 F. Le 21, il possédait en tout et pour tout 1,05 F. Il était
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